Par Sara Khorshid
Depuis quelques dizaines d’années, de nombreux sondages révèlent qu’une majorité d’Egyptiens souhaitent que les principes islamiques de la charia s’appliquent à certains aspects de l’ordre juridique du pays. La constitution égyptienne le prévoit d’ailleurs, qui dispose en son article 2 que la charia est la principale source du droit.
Quoique bénéficiant d’un large soutien populaire, l’article 2 suscite une controverse animée. Des voix provenant de la communauté copte, qui représente environ 12 % de la population, y voient une discrimination implicite de la minorité non musulmane. Les militants laïcs de la défense des droits de l’homme et de la démocratie vont dans le même sens, affirmant que l’application du droit islamique est incompatible avec un régime démocratique qui, selon eux, ne peut exister que dans un Etat laïc.
Ainsi, ils montrent du doigt des procès portant sur le droit de la famille (régi en partie par le droit islamique), les restrictions imposées à la construction d’églises et la faculté qu’aurait un copte de devenir président. Pour eux, ces exemples justifient une limitation du rôle de la charia dans l’ordre intérieur, d’autant qu’elles s’appliquent à ces minorités non musulmanes.
Au plus fort de ce débat public qui voit s’affronter laïcs et militants coptes, d’un côté, et groupes politiques islamiques, de l’autre, à commencer par les Frères Musulmans, qui se propulsent à la une des médias chaque fois que la charia est en cause, il existe entre les deux une voie moyenne. Dans cette solution de raison, les concepts de charia, de démocratie et de laïcité coexisteraient dans le cadre d’un système politique uni, sans que les principes fondamentaux de chacun d’eux soient en rien compromis.
Les partisans de cette solution, qui croient au gouvernement du peuple et à la prééminence du droit, estiment que les législateurs doivent être choisis par le peuple. Ils considèrent encore le droit islamique comme un cadre de référence, tant qu’il est accepté par la majorité au cours d’un processus civil dans lequel des représentants élus ont le dernier mot. Cette option serait bien éloignée de celle des Frères Musulmans, par exemple, selon laquelle les imams doivent donner leur imprimatur à toutes les lois du pays.
Dans cet esprit, l’Egypte devrait façonner un modèle qui lui soit propre, conforme à son histoire, à sa culture et surtout à la volonté de son peuple. Les principes de démocratie et de laïcité sont conjugués différemment selon les pays. Le modèle français et turc, qui réglemente très strictement la présence de la religion dans le domaine public afin de préserver la démocratie, est bien différent de la pratique américaine, dans laquelle la religion joue un rôle influent en matière politique. Dans chacun de ces exemples, le rapport unique entre religion et régime politique correspond aux besoins du pays concerné.
Dans ce contexte, la minorité chrétienne d’Egypte doit pouvoir jouir de tous les droits civiques qui reviennent aux minorités dans les régimes démocratiques, tel le droit de se présenter aux élections présidentielles et parlementaires, le droit d’initiative des lois et le droit à l’égalité devant la loi. Mais toutes leurs revendications ne sauraient être satisfaites pour autant, comme par exemple la suppression de l’article 2 de la Constitution, revendication qui susciterait l’hostilité de la majorité et alimenterait les affrontements sectaires.
Il faut se rappeler qu’aucun régime démocratique n’a jamais répondu à tous les désirs de ses minorités. En France, par exemple, le parlement a voté l’interdiction du port du voile dans les écoles publiques, allant ainsi contre les vœux de la minorité musulmane de ce pays.
Une pierre d’achoppement symbolique dans ce débat sur le rapport entre droit des minorités et droit islamique est la question de l’accès d’un Copte à la présidence. Dans la mesure où un Copte veut se présenter à l’élection présidentielle, il devrait en avoir le droit, à condition de s’engager à respecter les lois du pays et la volonté de la majorité. Après quoi les urnes décident.
Contrairement à ce qu’on pourrait être tenté de croire, ce n’est pas la charia qui constitue un obstacle. Selon certaines interprétations de la charia, la fonction de président, en cette époque moderne, pourrait être une fonction civile qui ne permet au président de prendre que des décisions conformes à la volonté du peuple et aux valeurs de la nation. Car c’est la situation politique du pays et non la charia qui, depuis 28 ans, empêche toute personne autre que le président Hosni Moubarak, qu’elle soit musulmane ou chrétienne, d’accéder à la présidence. La démocratie n’a pas encore pris en Egypte.
Les Coptes doivent continuer de défendre leurs droits, mais sans empiéter sur les valeurs essentielles de la majorité. En d’autres termes, ils ne doivent pas exiger l’abolition de tout principe islamique dans la vie politique. Le progrès de la démocratie en Egypte ne passe pas par l’abolition de la charia, élément indispensable de l’identité nationale, mais il suppose une réforme du régime actuel et la concession de droits élargis aux minorités.
Coptes et musulmans doivent s’unir dans leurs revendications démocratiques. Ensemble ils peuvent doter l’Egypte d’un régime bien adapté à la culture et à la société propres à ce pays, tout en garantissant les libertés de tous ses citoyens.
Source: www.oumma.com
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