« N’ayez pas peur ! » Tel est le message lancé avec panache par Médine et Pascal Boniface, ensemble, à travers le livre « Don’t Panik »,* dont l’objectif est de démonter les peurs et les préjugés contre les musulmans, les jeunes des banlieues, les personnes issues de l’immigration... dans un contexte marqué par le marasme économique et sociale et la montée de l’extrême droite. « Don’t Panik », c’est aussi l’histoire d’une (belle) rencontre qui semble improbable entre un rappeur à succès et le directeur d’un des think tanks français les plus influents, l'Institut des relations internationales et stratégiques (IRIS). De leur collaboration fructueuse, ils ont su faire tirer une belle amitié. Pascal Boniface en témoigne sur Saphirnews.
Sorti le 18 octobre, « Don’t Panik »
rencontre encore très peu d’échos médiatiques mais semble bel et bien
promis au succès et pour cause : l’alchimie entre les deux auteurs du
livre fonctionne à merveille. Déjà quelque 4 000 exemplaires ont été
vendus après une semaine d’exploitation, nous déclare leur éditeur,
Desclée de Brouwer.

« Don’t Panik »
Saphirnews : Dans quelles circonstances vous-êtes vous rencontrés avec Médine ?
Pascal Boniface : Je l’avais contacté pour faire un
entretien dans la revue de l’IRIS (Institut des relations
internationales et stratégiques dont il est directeur, ndlr) sur « Le monde occidental est-il en danger ? »
(en 2009). On a toujours essayé, dans ce cadre, de prendre contact avec
des personnes qui ne sont pas forcément des spécialistes des questions
géopolitiques mais qui peuvent avoir un avis dessus. Sur ce thème, je
trouvais intéressant de faire réagir Médine, dont j’avais lu ses textes
avant.
L’entretien s’est très bien passé. J’ai ensuite été invité à un de ses concerts mais on avait un peu perdu le contact. Médine m’a contacté il y a quelques mois pour poursuivre le travail qu’on avait développé auparavant. Il voulait mettre ses réflexions non plus sous forme de chansons mais de textes, consignés dans un livre. On s’est vite mis d’accord pour faire ce travail ensemble.
L’entretien s’est très bien passé. J’ai ensuite été invité à un de ses concerts mais on avait un peu perdu le contact. Médine m’a contacté il y a quelques mois pour poursuivre le travail qu’on avait développé auparavant. Il voulait mettre ses réflexions non plus sous forme de chansons mais de textes, consignés dans un livre. On s’est vite mis d’accord pour faire ce travail ensemble.
Vous avez accepté rapidement sa proposition. Qu’est-ce qui vous plaisait dans son projet ?
Pascal Boniface : D’une part, ça changeait de mon travail
habituel. J’aime bien la forme de livre-débat ou livre-entretien car
c’est un ping-pong intellectuel qui est toujours plaisant et qui permet
de construire sa réflexion. Surtout, ce qui me plaisait, c’était la
rencontre entre deux personnes qui viennent d’horizons professionnels et
personnels tout à fait différents et c’est ce qui crée la richesse de
ce livre. Ce qui fait le sel de la vie, c’est de rencontrer des gens
différents et je dois dire que cette rencontre a débouché non seulement
sur un livre, mais de façon plus importante sur une réelle amitié.
A la lecture de ce livre, on sent justement une réelle complicité entre vous. Etiez-vous forcément d’accord sur tout ?
Pascal Boniface : On ne peut pas dire qu’on est d’accord
sur tout, on a des divergences sur Dieudonné mais également, même si
elles sont plus légères, sur Tariq Ramadan. Mais ce qui est important,
c’est de voir qu’alors que nous venons de mondes différents, on a des
points de vue qui ne sont pas si éloignés, ce qui montre bien que le
regard sur la société ou sur la politique étrangère n’est pas un
problème d’appartenance puisque Médine est musulman et moi, athée, mais
un problème de choix politique.
Disons que sans être un musulman, j’ai un point de vue comparable à celui de Médine sur les questions de justice, de respect des individus, sur les principes d’égalité et de non discrimination.
Disons que sans être un musulman, j’ai un point de vue comparable à celui de Médine sur les questions de justice, de respect des individus, sur les principes d’égalité et de non discrimination.
La lutte contre l’islamophobie est un thème central de votre livre. Un passage a retenu mon attention. Vous dites, je vous cite : « Je ne pense pas que les musulmans soient en position où ils peuvent se passer des autres. » Pouvez-vous expliciter cette idée auprès des lecteurs ?
Pascal Boniface : Je dis par là qu’il faut éviter deux
choses. D’une part, que la lutte contre l’islamophobie soit dirigée par
des non-musulmans, prenant les musulmans comme une masse qui ne serait
pas capable de s’organiser. Ce serait un danger, les musulmans doivent
avoir leurs propres représentants, qu’ils les choisissent eux-mêmes,
qu’ils ne soient pas désignés par les autres.
Dans le même temps, je mets en garde contre un éventuel repli communautaire. La lutte contre l’islamophobie doit être l’affaire de tous et pas seulement des musulmans, tout comme la lutte contre l’antisémitisme et toutes sortes de racisme.
Dans le même temps, je mets en garde contre un éventuel repli communautaire. La lutte contre l’islamophobie doit être l’affaire de tous et pas seulement des musulmans, tout comme la lutte contre l’antisémitisme et toutes sortes de racisme.
Quelles sont selon vous les forces et les faiblesses de « la communauté » musulmane ? Rappelons déjà qu’elle n’est pas un bloc homogène…
Pascal Boniface : Oui, tout à fait. Leur force : le nombre.
Les faiblesses : l’absence d’organisation et de visibilité. Ils n’ont
pas accès aux responsables politiques et aux médias malgré leur nombre
et ont une expression qui n’est pas encore assez affirmée même si des
personnes comme Médine peuvent donner un point de vue qui soit légitime
et reconnu comme tel.
Ce que je trouve intéressant avec Médine, c’est qu’il représente un point de vue musulman, fier de l’être et ouvert sur les autres.
Ce que je trouve intéressant avec Médine, c’est qu’il représente un point de vue musulman, fier de l’être et ouvert sur les autres.
L’absence d’organisation des musulmans, vous en faîtes un chapitre dans « Don’t Panik ». Votre avis ?
Pascal Boniface : Je suis un peu partagée car
effectivement, on peut dire qu’il y a plus de discriminations à l’égard
des musulmans qu’à l’égard des autres communautés et qu’il est bon pour
les musulmans de s’organiser pour lutter contre ce phénomène. Cela peut
se comprendre mais il existe la crainte qu’une telle construction donne
une image de la communauté qui soit enfermée sur elle-même et que la
France devienne une addition de communautés. Comment s’affirmer soi tout
en restant universaliste, c’est la vraie question.
Justement, ne pensez-vous pas que le repli communautaire puisse aussi être le résultat du rejet des musulmans de la société ?
Pascal Boniface : Bien sûr. Si on veut éviter le
communautarisme, il faut que la République soit à l’écoute et qu’elle
traite de la même façon tous ses enfants. Or, ce n’est pas le cas pour
le moment, notamment pour les musulmans. Même s’il est moins difficile
d’être musulman aujourd’hui qu’il y a une vingtaine d’années, il y a
plus de discriminations envers eux qu’à l’égard des autres Français.
Sarkozy est parti, êtes-vous plus confiant avec Hollande aux commandes quand il s’agit de lutter contre toutes les formes de discriminations ?
Pascal Boniface : Je suis moins inquiet. Il faudra juger
sur pièce et non pas sur parole. En tous les cas, je constate de
François Hollande qu’il évite d’employer les termes stigmatisants qui
étaient employés par Sarkozy et une partie de son entourage.
Que retenez-vous de cette collaboration fructueuse avec Médine ?
Pascal Boniface : Tout d’abord, une amitié mais aussi la
découverte d’un monde que je connaissais très peu, le rap, qui a
d’autres codes et d’autres règles que celles que je fréquente. Le fait
de pouvoir encore apprendre à mon âge et de s’ouvrir des horizons
nouveaux est quelque chose de très positif.
Si on arrive à faire passer notre message commun, à savoir que nos différences sont un enrichissement pour la société et non un appauvrissement, on aura modestement gagné notre pari.
Si on arrive à faire passer notre message commun, à savoir que nos différences sont un enrichissement pour la société et non un appauvrissement, on aura modestement gagné notre pari.
Source : saphirnews
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