Par Kamel Ancoly
Eric Zemmour est une personne réfléchie, cultivée avec un sens critique développé et lutte contre le politiquement correct. Bref, il brille par son intelligence et aurait même pu être chroniqueur pour ce blog. Pourtant, lorsque je vois «Mélancolie française» une formule sarkozienne me vient à l’esprit: «Casse toi, pauvre con.» La couverture de ce livre présente le drapeau tricolore affublé d’un aigle impérial. Cet aigle, emblème de puissance tendance nationaliste plus que d’humanisme, a symbolisé l’empire romain puis l’Empire français version Napoléon et plus récemment le IIIe Reich. Un symbole de paix et d’amour donc. Vu qu’il ne s’agit pas de la biographie de Jean-Edouard mais de l’œuvre d’un érudit de littérature, la théorie de la maladresse quitte vite mon esprit pour celle de la provocation. Mais qui Zemmour cherche-t-il à titiller? Visiblement les «arabo-africains» (sic) qu’il stigmatise à la fois dans son bouquin mais aussi là où il est invité à le défendre (bec et ongles longs). Pour lui ce sont les nouveaux barbares qui ont conduis à la chute de l’Empire romain. Rien que ça. Son raisonnement est simple (et simpliste). Les barbares étaient en fait le terme usuel pour désigner l’ensemble des non romains. Conquis par le glaive, ils devaient se soumettre à l’Empire. Les barbares envoyèrent donc leurs élites se délecter des plaisirs de la vie méditerranéenne. Bref le pont avec les arabes et les africains (avant tout français pour la plupart) de notre époque est plutôt tirer par des touffes entières de cheveux. Ce qui explique certainement sa calvitie. Peu importe le cheminement, Zemmour tient sa conclusion : «ils» vont dégager les autochtones, «ils» vont faire leurs propres lois, «ils» vont appliquer la charia. Voilà, on y est : l’islamophobie. Des milliers de lignes sur l’histoire de France pour la conclusion suivante : Eric Zemmour a peur de l’islam. Une peur qui colle parfaitement à son image de réac aux tendances bonapartistes (donc xénophobes). Cette rengaine gaulliste de la crainte de voir Colombey-les-Deux-Eglises devenir Colombey-les-Deux-Mosquées n’est donc pas morte avec le général Elle nous amène également à nous poser de sérieuses questions sur une personne qui a un auditoire aussi large qu’un chroniqueur de Ruquier.
Comment une personne qui a passé sa vie à lire Stendhal arrive-t-il aux mêmes conclusions que Dédé au PMU du coin après son neuvième pastis de la matinée ?
Tentative de réponse en nous intéressant au produit Zemmour.
Le Zemmour est un type qui se cherche et dont les amis du microcosme médiatique parisien cherchent toujours le placement marketing.
Tantôt Zemmour pique à tout va et tend vers le Guillon, tantôt Zemmour sort le jeu philosophico-artistique et tend vers le BHL, BHL avec lequel il ne fait d'ailleurs pas d'étincelles lors de ses débats chez Ruquier, que les deux voudraient pouvoir imaginer être un café-débat au Procope au Siècle des Lumières.
En fait, vu la sortie de son livre et ses dernières interventions, on se demande si Zemmour se prend pour un leader d'opinion. Zemmour est certes un chroniqueur, qui participe à l'audimat de Ruquier par ses attaques polémiques, terme qu'il refuse, à travers des interventions mal argumentées de 5 minutes et coupées par les vannes du maitre de cérémonie, ce qui ne facilite pas le déroulé d'un débat avec l'invité.
D'ailleurs, le débat est une discipline dont la société française recherche le renouveau. Le tort de Zemmour est de croire qu'il nourrit ce débat, en occupant un espace médiatique vendu et en choisissant un argumentaire spécieux.
Zemmour, puisqu'il s'exprime, devrait vraiment passer du temps auprès de la société française, lui qui en parle beaucoup. Il s'est trop enfermé dans son microcosme bien pensant, bien qu'il se défende d'en être un (bien pensant), sous prétexte qu'il ne pratiquerait pas la langue de bois. Zemmour est nostalgique de la France du XIXème siècle, celle de Napoléon et de l'aigle de l'Empire, celle de Stendhal, des naturalistes et des Grands Boulevards dont il semble avoir oublié que ces derniers ne servaient pas qu'à accueillir des Bonheur des Dames, mais surtout à mieux pouvoir tirer sur les émeutiers de l'époque, émeutiers qui n'avait pas la tête de ceux de 2005 et qui ne se revendiquaient pas de la Charia.... Aussi, il est intéressant de remarquer que Zemmour ne parle jamais de la diaspora chinoise et des fils d'immigrés brésiliens par exemple, ni des, environ, 150 nationalités, qui sont autant de différences de perception de la religion et de cultures, et qui cohabitent dans certains quartiers du 9-3. A croire que Zemmour a comme un vieux problème à régler avec l'islam ou les africains, on ne sait plus trop. Il faudrait lui dire qu'un musulman du Maroc n'a pas la même pratique qu'un musulman indonésien, tout comme un Catholique américain n'a pas la même vision qu'un Catholique libanais.
En bref, puisque Zemmour veut faire de la politique, que celui-ci sorte de sa bulle et aille faire un stage auprès des "vrais gens" de la société civile, des associations, pour mieux connaître son pays et cesser de raisonner en terme de grandeur passée imaginée et assimilatrice. S'il ne le fait pas pour lui, alors qu'il le fasse pour la France. Et comme dirait l'artiste:"J'mets un billet sur la tête de celui qui fera taire ce con d'Eric Zemmour." Je rajouterais la monnaie si besoin.
Source: http://micropamphlet.blogspot.com
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RépondreSupprimer"C'est faux, c'est de la démagogie ! + [Absence d'argument]..." serait la réponse d'E.Zemmour à cet article.
RépondreSupprimerPour ma part, je dirais que c'est une parfaite analyse du personnage médiatique qu'il est, sans être tombé dans la critique gratuite de l'auteur/journaliste politique qu'il est. Bravo !
PS: E.Zemmour a tellement lobotomisé ses partisans que son utilisation abusive du mot "démagogie" a fait qu'ils n'en connaissent même plus le vrai sens, il faut constamment les renvoyer à leur dictionnaire...