11 mars 2010

Ilham, Abbé Pierre et les autres

Par Badia Benjelloun

Ilham Boussaïd sort en ville les cheveux couverts.


Cette jeune femme de 22 ans, étudiante, se présente sur la liste du Nouveau Parti Anticapitaliste dans la région du Vaucluse (PACA) pour les régionales 2010.


Difficile de plaquer ici l’argument de la fille soumise à un mari ou une famille qui la contraindraient en raison de son infériorité de genre, stipulée ou non par les prescriptions coraniques selon le niveau de connaissance en théologie musulmane revendiqué par l’institué maître es stigmatisation.

Difficile également d’avancer une prétention au prosélytisme musulman de la part de l’impétrante. Elle milite dans un groupe d’obédience trotskyste plutôt réputé matérialiste marxiste que faisant dans les bondieuseries.

Peut-on valablement lui opposer qu’elle empiète de manière avérée la frontière qui sépare l’Église et l’État. En dissimulant son système capillaire, enfreint-elle les règles de la laïcité instituée en 1905 ? Apparemment non puisque le jugement rendu en référé a déclaré irrecevable la plainte déposée pour invalider sa candidature par l’association Ni Putes Ni Soumises.


Une autre charge d’une tonalité plus subtile et jamais jusques là exprimée est venue enrichir le déjà bien complexe réquisitoire contre le foulard. Elle a été élevée par le M’PEP, acronyme pour Mouvement politique d’éducation populaire qui se classe à « gauche » selon la vieille habitude héritée de l’époque de la préhistoire de la République française quand les progressistes se regroupaient face à la tribune vers la gauche de l’hémicycle. Cette précision historique devient ‘nécessaire’ tant le droit des opprimés et des exploités n’est plus une ambition politique pour ceux qui briguent des mandats électoraux.

Une candidate portant un fichu sur la tête engage un processus de diversion et affaiblit le combat social, lequel sera regardé par des centaines de millions de non Français comme une facilitation du retour au dogmatisme religieux.

Selon le M’PEP, peu importe l’ivresse, n’importerait que le flacon ! Le discours politique d’émancipation et de libération des conditions de vie aliénantes imposées par le mode de production capitaliste est absorbé et effacé par le morceau d’étoffe apposé sur la tête.

De plus, depuis quelque temps, la France s’est disqualifiée comme une terre exemplaire d’émancipation en particulier depuis sa mise sur orbite de l’Otan. Les silences de toute la classe politique sur son engagement en Afghanistan et du côté des occupants sionistes ne l’honore pas.

Qu’ont donc en commun Henri Grouès, Aldo Moro et Konrad Adenauer et dont serait dépourvue Ilham Boussaïd?

Dans toute l’Europe occidentale d’après-guerre, des partis d’obédience chrétienne furent suffisamment étoffés pour participer au pouvoir. Ils donnèrent plus d’une figure politique emblématique.

En France, Maurice Shumann et Jean Lecanuet furent l’un le premier et l’autre le dernier Président de la formation Mouvement Républicain Populaire, né lui aussi dès 1945. Henri Groués dit l’abbé Pierre en fut membre. Élu député, il siégea à l’Assemblée Nationale de 1946 à 1951 au sein de ce groupe sans avoir eu besoin de se défroquer.

Moro, le péninsulaire, a eu la fin tragique que l’on sait. Il fut officiellement assassiné par les Brigades Rouges infiltrées par des éléments d’extrême droite en 1978 sous le gouvernement de son successeur et camarade Giulio Andreotti. C’était à la veille d’une alliance entre le Parti Communiste Italien et le Parti Démocrate Chrétien, le compromis Historique auquel il avait travaillé pendant des années. Dès lors, le Parti Communiste en fut discrédité et le projet rendu caduc.**

Professeur de Droit, Moro participa à l’élaboration de la Constitution Italienne dans l’immédiate après-guerre. Dès 1948 il fut élu député de la Démocratie Chrétienne, le resta jusqu’à la fin de sa vie et a exercé la fonction de Président du Conseil à cinq reprises.

Adenauer doit sa célébrité à l’intégration de l’Allemagne Fédérale au bloc occidental dont il fut l’artisan. Dès la sortie de la guerre en 1945, le parti Zentrum s’est transformé en Union Démocratique Chrétienne réunissant catholiques et protestants. Elle prétendait représenter une troisième voie, ni socialiste, ni capitaliste mais humaniste chrétienne. Konrad Adenauer en a été le Président et dès qu’elle devint la formation politique majoritaire en 1949, il fut élu Chancelier. Il occupera cette fonction jusqu’en 1963. Sous sa férule, l’Allemagne devint membre fondateur de la Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier, prélude à la signature du Traité de Rome en 1957. Aujourd’hui, Angela Merkel incarne le courant le plus libéral de cette formation.

Ilham Boussaïd de religion monothéiste également n’est pas chrétienne, pire que cela, elle garde la trace des origines de son ascendance dans son nom et dans son Islam : les anciennes colonies de l’Impérial-République française.

Quand elle n’était que la Troisième, juste après la débâcle de la France face à la Prusse et se relevant mal des massacres de la Commune de Paris, tout un édifice théorique, philosophique et juridique a été peu à peu édifié pour justifier les conquêtes coloniales et la mise en place des dispositions politiques d’exception qui discriminent les Indigènes et les maintiennent au rang de sujets, jamais citoyens.

Au premier plan de l’arsenal théorique qui se voulait scientifique, puisant ses ressources dans des ouvrages d’anthropologues, de médecins et d’ethnologues figurent les arguments racialistes qui hiérarchisent les catégories humaines en races supérieures habilitées à asservir et les subalternes condamnées à l’assujettissement. Les colonisés outre d’être d’une catégorie humaine de moindre qualité sont dotés d’une culture et d’une religion inférieures. Les programmes des cours élémentaires, du secondaire et des universités furent refondus pour être imprégnés de ces « valeurs » qui véhiculent un racisme social et d’État.

Les auteurs d’une telle politique éducative savaient que ce faisant, ils travaillaient un matériel de propagande qui allait imbiber les mentalités françaises pour très longtemps. Nous en avons la preuve encore aujourd’hui. Les Droits de l’Homme

et toutes les avancées universalistes et d’émancipation ont connu de très longues périodes de suspension et d’exception au cours de l’Histoire de France. ***Sans les mouvements de Contre Révolution qui ont répudié les principes d égalité entre les membres du genre humain, nul ne comprendrait comment fut possible Vichy. Arthur De Gobineau est loin d’avoir été isolé dans ses classifications de l’espèce humaine. Et ce ne sont pas les Résidents Généraux socialistes à Alger qui contredirent ou contestèrent l’application du Code de l’Indigénat promu dès 1881, bien au contraire.

L’abbé Pierre, même en soutane, fut admis sans problème à l’Assemblée Nationale.

Ilham Boussaïd, Nord-Af, l’éternelle immigrée, devrait être contrainte à une capillaro-exhibition pour obéir aux injonctions de « laïcs » mus par une haine et un mépris pour l’Islam qui restent des insus de leur héritage culturel.



** L’échec des négociations pour l’échange d’Aldo Moro contre des prisonniers politiques d’extrême gauche est désormais mis avec certitude au crédit de Kissinger.



*** « Je répète qu’il y a pour les races supérieures un droit, parce qu’il y a un devoir pour elles. Elles ont le devoir de civiliser les races inférieures. » Jules Ferry, discours du 28 juillet 1885 in Discours et opinions, page 211.

Source: www.islamenfrance.fr

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