Le regard que beaucoup d’Occidentaux portent sur l’islam repose incontestablement sur de grossiers préjugés. J’aime cette image que donnait un journaliste égyptien pour illustrer le thème de l’islamophobie:
«Imaginez un homme qui n’aurait jamais vu son ombre. Il se trouve sur une scène devant un immense écran blanc. A ses pieds, des projecteurs viennent soudainement l’éblouir. Il se retourne, et que voit-il? Son ombre agrandie une dizaine de fois. Sa frayeur est si grande qu’il s’agite. Et son ombre s’agite aussi, si bien que sa frayeur augmente, et ainsi de suite.»
Pourquoi certains Suisses ont-ils rejeté les minarets? Parce qu’ils y ont vu le symbole d’une conquête politico-religieuse. Ce que, précisément, le minaret n’est pas.
Pourquoi quatre-vingt-neuf députés argoviens ont-ils voté une motion visant l’interdiction du voile intégral dans l’espace public? Argument principal: «La burqa est un symbole du pouvoir de l’homme sur la femme.» Ce que, précisément, le voile intégral n’est pas.
Les femmes qui portent volontairement le voile intégral – et parfois contre la volonté de leur entourage masculin – sont les premières victimes de ces confusions. La liberté, ce n’est pas de se conformer à la vision que les uns ont de la liberté aux dépens des autres. Ce doit être la liberté pour tous selon la conviction de chacun, dans les limites du bien commun. Contraindre une femme à se découvrir, contrairement à sa foi, est une infamie.
Voile intégral ou minaret, on charge ces signes visibles d’une interprétation subjective courante, puis on s’en prend à ce que l’on a compris. En d’autres termes, on rejette ce que l’on projette sur l’autre. Cette projection peut même se transformer en provocation: on a vu les Jeunes UDC diffuser un samedi matin l’appel à la prière par haut-parleur autour de la mosquée genevoise dotée de l’un des quatre minarets de Suisse! Comble du ridicule dans le registre des gesticulations : les initiateurs en sont venus à provoquer eux-mêmes les troubles dont les musulmans seraient coupables !
On tourne en rond, sans se rendre compte que l’on tombe dans des formes de ségrégations religieuses injustes. On finit par admettre des formes de ségrégations injustes. Il en va ainsi lorsque l’on fait une différence entre le clocher et le minaret, et Amnesty International a rappelé qu’interdire la burqa est discriminatoire.
C’est d’ailleurs contraire à l’article 18 de la Déclaration universelle des droits de l’homme: «Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion; ce droit implique la liberté (…) de manifester sa religion ou sa conviction seule ou en commun, tant en public qu’en privé, par l’enseignement, les pratiques, le culte et l’accomplissement des rites.»
Or le port du voile est une prescription religieuse inscrite dans les sources de l’islam. Le Coran affirme: «Et dis aux croyantes (…) qu’elles rabattent leurs voiles sur leurs poitrines.» (Coran, 24; 31)
Le terme khimâr désigne le tissu qui couvre la tête. Une interprétation minoritaire, certes, mais qui existe bien dans la tradition islamique, indique que le voile doit cacher également le visage.
Nous penchons quant à nous vers l’exégèse la plus reconnue, corroborée par une parole du Prophète qui précise en effet le sens du verset: «A partir du moment où elle a ses règles, il ne convient pas que l’on voie de la femme autre chose que ceci.» Le Prophète désigna son visage et ses mains.
Quoi qu’il en soit, ces deux interprétations font bien partie de la pratique islamique, enseignée dans l’ensemble du monde musulman.
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