Par Roseau
La société française donne depuis quelques années un spectacle assez triste en ce qui concerne la laïcité.
Fière de cette particularité (qui n’en n’est pas vraiment une puisque tous les états qui n’ont pas de religion d’état sont des états laïques, Etats-unis compris) notre nation a choisi de s’engoncer dans une laïcité de rupture avec le reste de l’occident.
C’est à mon avis dans la législation sur le port des signes religieux qu’elle a commis ses plus évidentes dérives, atteignant des sommets récemment avec la polémique burqa.
Plusieurs pays ne nous comprennent pas. Bien-sûr, on sait que les Etats-unis ont, sur le plan de la liberté religieuse au moins, une approche beaucoup plus tolérante et protectrice de ce droit fondamental. Mais nos voisins les anglais ont cette approche aussi. Il ne viendrait pas à l’idée du gouvernement anglais de vouloir empêcher un enfant de porter les vêtements traditionnels hindous lorsqu’il se rend à l’école. Il existe outre-manche un grand respect de la religion de l’autre, inscrit dans les fondements de la démocratie anglaise.
Il est sûr que chacun fait ce qu’il veut (dans une certaine mesure, car les pays signent aussi des conventions internationales sur les droits fondamentaux) et qu’il existe la souveraineté des pays.
Mais la France a-t-elle vraiment à gagner à vouloir interdire tout particularisme religieux dans les lieux publics ? D’abord, vouloir interdire un particularisme quel qu’il soit c’est risquer de prendre la voie du parti national socialiste en 33, ou celle de l’URSS qui voulait un monde "tout le monde pareil, sauf les chefs". A trop vouloir lutter contre les différences et les choix de communauté, on risque de créer une haine du particularisme qui entraîne chez les communautés marginalisées une rupture avec la société.
Je pense qu’il y aurait beaucoup à gagner, si nos enfants pouvaient se côtoyer avec tous leurs particularismes. Si un enfant sikh enturbanné pouvait s’asseoir dans la salle de classe aux cotés d’un camarade qui pour ressembler à son père porte la cravate, et que leur voisine porte le voile à coté à coté d’une néo-punk à tendance gothique, tandis que d’autres portent la kippa ou la croix du christ, les enfants et les ados apprendraient la tolérance, le droit à la différence et le dialogue.
Car la laïcité, c’est le droit de chacun de croire et de pratiquer ce qu’il veut croire et pratiquer, s’il veut croire et pratiquer. Accepter le port du signe religieux, c’est aussi tolérer que l’autre puisse croire différemment de soi, et c’est un premier pas vers l’apprentissage et la compréhension de l’autre.
La burqa, qui arrive dans le même sillage (avec les mêmes instigateurs de polémique), a réussi à prendre chez des politiques qui pourtant ne sont pas des idiots, grâce à un syllogisme erroné.
Certains musulmans portant la barbe obligent leur femme à porter la burqa. Ahmed est un musulman barbu. Donc Ahmed oblige sa femme à porter la burqa... Aristote, que je n’aime pas beaucoup par ailleurs, se retourne dans sa tombe !
Car s’il est louable de vouloir protéger les femmes qui sont battues, ou obligées de porter la burqa, la conclusion et l’orientation de la polémique est tout sauf intelligente et résulte plus d’une propagande stalinienne que d’un raisonnement logique.
A moins que ces politiques aient un chiffre caché disant que 99% des femmes qui portent la burqa sont forcées de le faire, ils sont en train de se diriger vers un précédent dangereux de violation des droits fondamentaux, qui fera de nous le plus intolérant des pays occidentaux.
L’argument de la dignité humaine ne tient pas la route. Certaines femmes portant le voile intégral ou la burqa se sentent parfaitement en accord avec leur dignité de femme. C’est un choix. Vouloir légiférer dessus sur des critères arbitraires ouvre la porte à un véritable pouvoir de l’arbitraire. Un jour quelqu’un déclarera que croire en dieu, c’est contraire à la dignité humaine.
Et si moi je déclarais que le port de la cravate est un symbole d’esclavagisme pour l’homme ? La cravate nouée autour du cou est un signe distinctif qui rapproche l’homme du chien qu’on peut tenir en laisse. Serait-il temps de créer une commission parlementaire sur le port de la cravate, qui concerne quand même beaucoup plus d’hommes que de femmes portant la burqa ? Cette cravate que les hommes sont OBLIGES de porter pour se rendre au bureau.
La tolérance nait de l’acceptation des différences de l’autre. Accordons-lui le droit de pratiquer sa religion, même si nous pensons qu’il erre. Lui aussi pense de son coté que nous errons. Aimerions-nous qu’il nous oblige à ne pas errer ?
Certains ont même été jusqu’à dire que le fait de ne pas offrir son visage à l’autre était contraire aux valeurs de la République. Arbitraire ! (Je ne parle pas de l’aspect sécurité qui est un autre problème, qu’on peut facilement résoudre.) Copé, s’adressant à une femme portant la burqa, lui reprochait de ne pas offrir son sourire (un peu mielleux sur ce coup-là). Et si je décidai que celui qui ne me montre pas son épaule me refuse un droit fondamental. Et je m’en suis tenu à l’épaule... On nage dans le monde de l’arbitraire érigé en art de la propagande.
Les guerres sont le produit des intérêts privés de fous. Même dans les guerres de religions, les religions n’ont été qu’un prétexte pour que quelques malades s’enrichissent sur les dos des combattants.
Le refus du particularisme mène à la guerre. Qu’elle soit interne, morale ou qu’elle soit une vraie guerre entre pays avec son lot de morts inutiles et vaines.
La France a tout à gagner à offrir à ses concitoyens et au monde entier une république de tolérance, de diversité et de convergence des efforts pour la résolution des vrais problèmes.
Source: http://roseau-blog.over-blog.com/
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