15 mars 2010

La femme dans le discours islamique, entre traditionalisme et perspectives d’une réforme de l’intérieur…

Par Asma Lamrabet

Il existe actuellement et de façon un tant soit peu caricaturale deux types de discours qui s’articulent autour de la question de la femme en islam. Deux discours qui véhiculent deux perceptions antagonistes et qui sont dans une logique de confrontation perpétuelle.

D’abord un discours que j’appellerais « traditionaliste », majoritairement retrouvé dans les sociétés musulmanes et qui, malgré les tendances de « renouveau » qu’il prône par rapport à l’islam en tant que mode de vie, reste très peu enclin à évoluer sur la question de la femme. L’autre discours, à l’antipode du traditionaliste, est celui qui cristallise tous les échecs du monde musulman sur la question du religieux et qui revendique quant à lui une « libération » de la femme musulmane des « carcans religieux », apparemment responsables de tous nos maux…

Il est malheureux de constater donc qu’entre ceux qui promulguent un déracinement et une rupture totale par rapport aux références religieuses considérées comme responsable du sous développement et du statut juridique rétrograde des femmes en terre d’islam et ceux qui se confortent dans un traditionalisme figé et un littéralisme strict des textes, c’est d’abord et avant tout la parole des femmes elles mêmes qui est volontairement confisquée.

On ne peut que se sentir consterné par la quantité de préjugés et de stéréotypes qui empêche toute tentative de dialogue entre les tenants de ces deux types de discours. Pour y voir clair il faudrait savoir prendre du recul par rapport à ces deux visions extrêmes et tenter d’appréhender d’où est ce qu’elles prennent source et qu’est ce qui légitime leurs analyses respectives?

La vision éradicatrice à l’instar de la nouvelle islamophobie régnante se nourrit d’un constat évocateur : l’état des lieux des sociétés musulmanes…Le statut juridique de la femme, indicateur en puissance, de ces sociétés à la traîne d’un Occident indécemment prospère, constitue la brèche idéale par laquelle tout un système de pensée ethnocentrique va s’immiscer afin de discréditer l’islam et ses valeurs.

La vision traditionaliste littéraliste reste, quant à elle, sous l’emprise d’un discours réactionnel purement défensif et qui répond essentiellement à une dialectique dominants –dominés. Les tenants de ce discours refusent toute réforme du statut de la femme car cette dernière a toujours été considérée, par une certaine jurisprudence islamique, comme la « garante morale » de tout un système de valeurs sociales. Selon cette vision des choses, toute idée de réforme est perçue comme étant une idée importée, occidentalisée et dangereusement immorale… Tout en se protégeant contre une idéologie qui reste hégémonique sur le plan politique, cette vision islamique, préfère cautionner une discrimination flagrante envers ses femmes que de répondre à des injonctions occidentales vécues comme « acculturisantes ».

Ces deux visions qui s’opposent finissent par soumettre la femme musulmane à un dilemme intolérable à savoir celui de choisir entre deux aliénations : se déraciner voire se « désintégrer » dans un « universel abstrait» et « s’occidentaliser [1]» afin de se « libérer » d’un référentiel islamique supposé être opprimant ou bien s’emmurer dans une identité islamique fermée où on lui refusera des droits élémentaires voire des droits légitimes, ceux là même qui lui sont octroyés par l’islam lui même.

C’est entre ces deux visions extrêmes qu’il est nécessaire de rechercher une troisième voie, seule capable de nous libérer de ces deux types d’aliénation. Une troisième voie qui puisse combler le vide moral, éthique et spirituel d’une modernité ô combien difficile à vivre…

Nous avons besoin d’urgence d’un réformisme « de l’intérieur »…D’un réformisme qui se nourrit des références spirituelles islamiques tout en restant ouvert sur les apports universels que l’on doit savoir partager avec le reste de l’humanité… Le « retour aux sources » scandé par des musulmans déçus par leur présent ne doit pas signifier emprisonnement dans un passé historique idéalisé comme on le voit et comme on le vit dans le discours islamique dominant aujourd’hui…Le « retour aux sources » est ressourcement pour mieux vivre son présent et préparer un meilleur avenir. Il se doit d’être fidèle non pas à des modèles historiques forcément dépassés mais plutôt à des principes éthiques universels…

Source: www.asma-lamrabet.com

1 commentaire:

  1. Article très bien écrit . Les concepts sont complètement purs et je les prône totallement. Tabarkallah alik mme. Lamrabet, votre travail est très apprecié.

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