3 juin 2012

Islam : petites et grandes manoeuvres pour se défaire de l’actuel CFCM

Le Conseil français du culte musulman (CFCM) version 2012 vit-il ses derniers instants ? Les grandes manoeuvres semblent en tout cas avoir commencé chez les principaux acteurs institutionnels de l’islam en France, pour se défaire d’une instance, créée en 2003 par le ministre de l’intérieur, Nicolas Sarkozy, et désormais jugée non représentative par la plupart des musulmans
Ironie de l’histoire, ce sont deux des principaux membres fondateurs du CFCM historique qui veulent aujourd’hui reprendre la main et appellent à sa refondation, après avoir bloqué tout processus en ce sens ces dernières années. Plus étonnant encore, ce sont les deux frères ennemis, la Grande mosquée de Paris, connue pour ses liens avec l’Algérie, et l’Union des organisations islamiques de France, (UOIF), proche des Frères musulmans, qui se sont retrouvés, mardi 28 mai, dans des « échanges fructueux et fraternels » pour affirmer que « le culte musulman en France ne peut être organisé que dans le strict respect des règles républicaines, et notamment du principe de séparation de l’Etat et des Eglises (loi 1905 sur la laïcité) et que toute organisation du culte musulman ne peut s’effectuer que par les musulmans eux-mêmes, sans ingérence aucune ». L’allusion à la cogestion établie depuis dix ans avec le ministère de l’intérieur est claire. Et ce refus, désormais revendiqué, de toute « ingérence » peut prêter à sourire tant les rapports entre ces institutions et les gouvernements successifs ont été, jusqu’à récemment, entretenus par les deux parties.


Vers des Assises de l'islam?
Alors que les deux organisations avaient boycotté le scrutin de juin 2011 pour le renouvellement du CFCM, la GMP et l’UOIF considèrent que l’instance ne peut être tenue par les seuls Marocains du Rassemblement des musulmans de France (RMF) emmené par Mohammed Moussaoui, qui n'a pas été informé de ce rapprochement-surprise.
Par ces déclarations, la GMP rejoint les grandes mosquées fondatrices du CFCM (Lyon, Evry, Marseille), qui avec l’UOIF et le mouvement du Tabligh Foi et pratique, plaident depuis plusieurs semaines pour une remise à plat de la représentativité des musulmans et l’organisation d’Assises de l’islam de France, d’ici un an. Ces organisations ont proposé que « les jeunes et les femmes » soient à l’avenir associés à cette instance officielle, nous a indiqué le recteur de la mosquée de Lyon, Kamel Kabtane, qui dénonce aussi « la gestion de l’islam de France par la place Beauvau et les consulats » des pays d'origine des fidèles musulmans. Un communiqué signé des membres de cette coordination a salué, mercredi 30,  "la déclaration commune de  l’UOIF et la GMP,  qui traduit également une évolution de la position des uns et des autres, quant aux modalités de l’organisation de la représentation du culte musulman en France".
Mais une certaine confusion semble régner autour de ces diverses initiatives.  Khalil Merroun, de la mosquée d'Evry s'est désolidarisé de cette dernière déclaration. L'homme qui ne cache pas ses désaccords avec la GMP et son recteur, Dalil Boubakeur, s'interroge sur le sens de "l'alliance rapide entre l'UOIF et la GMP". D'autres responsables ironisent déjà sur la manière dont la "base" de l'UOIF va accueillir ce rapprochement avec la GMP de M.Boubakeur, peu apprécié dans les mosquées tenues par l'UOIF. Quant aux responsables turcs du Comité de coordination des musulmans turcs de France (CCMTF), embarqués dans l'initiative de M.Kabtane,  ils assurent ne pas s'associer à cette démarche, et continuent de plaider pour une réforme du CFCM "de l'intérieur".


Quel rôle pour le ministère de l'intérieur?
Question projet, GMP et UOIF semblent déjà vouloir limiter le futur CFCM à « une structure légère et de coordination, selon le principe de la concertation (choura) entre toutes les composantes qui constituent l’islam de France ». Depuis dix ans, les composantes en question ont bataillé pour obtenir la présidence du CFCM. La création d’une « structure légère » rendrait cet enjeu moins crucial. Attribut purement symbolique d’un éventuel leadership sur l’islam de France, les deux organisations se sont déjà positionnées pour établir, « après concertation, les dates de début et de fin du mois de Ramadan »
Reste à savoir ce que dira de cette énième tentative de "réforme", Manuel Valls, le ministre de l’intérieur en charge des cultes, qui lors de sa première intervention publique en la matière à Marseille le 21 mai, avait salué en M.Moussaoui  « un homme de sagesse et de dialogue ». Ce dernier y a vu une garantie « sur la continuité » donnée par le nouveau ministre au CFCM et considère que toute initiative lancée "en dehors de l'existant est vouée à l'échec". Le ministre devra aussi se positionner par rapport à l'UOIF, qu'il a pointé du doigt le 21 mai, pour sa proximité supposée avec des prédicateurs radicaux. Et alors que l'UOIF bénéficie désormais de la caution de la Grande mosquée de Paris, qui se prévaut volontiers d'incarner en France "l'islam modéré".


Stéphanie Le Bars

Source : http://religion.blog.lemonde.fr/2012/05/30/islam-petites-et-grandes-manoeuvres-pour-se-defaire-de-lactuel-cfcm/

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