29 sept. 2011

Aux sources de l’islamophobie contemporaine

islam Deux ouvrages montrent que le dénigrement de l’islam est nourri par un manque d’objectivité et de rigueur scientifique chez certains chercheurs
Islam 
 
DE LA DIGNITÉ DE L'ISLAM Éditions Bayard , 187 pages 


« De la dignité de l’islam ».
Réfutation de quelques thèses de la nouvelle islamophobie chrétienne
 d’Michel Orcel
Éditions Bayard, 190 p., 16 €
 
L’islam dans les médias.
Comment les médias et les experts façonnent notre regard sur le reste du monde
de Edward W. Said
Éditions Actes Sud, 282 p., 24 €
L’islam fait peur et certains groupes le considèrent même comme dangereux. Deux livres permettent de comprendre les ressorts de cette crainte qui se traduit par des propos haineux voire racistes. Michel Orcel s’attache à réfuter quelques thèses de ce qu’il appelle la « nouvelle islamophobie chrétienne »  qui présente l’islam comme une religion violente et irrationnelle. À travers quelques exemples simples, il dénonce les présupposés et le manque de rigueur scientifique dans l’étude et l’interprétation des sources chez des intellectuels et des universitaires œuvrant dans le champ de l’islamologie, dont certains maîtrisent mal l’arabe.
Pour Michel Orcel, la thèse de fond de cette « islamophobie savante »  est simple: « la violence, le machisme, le refus de la démocratie, etc. sont des vices consubstantiels à l’islam » . L’association de manière quasi-exclusive entre islam et violence débouche immanquablement sur une lecture unilatérale des conflits à travers l’histoire, où l’Occident chrétien tient le bon rôle. Pour l’auteur, les savants islamophobes n’ont finalement pas d’autre but que de démontrer « la supériorité du christianisme sur l’islam ».  Benoît XVI, avec son discours de Ratisbonne, qualifié de « provocation » n’échapperait pas à ce mouvement apologétique. Le propos manque certainement de nuances. D’une manière générale, on peut regretter le ton polémique adopté par l’auteur quand il quitte le registre de la critique argumentée pour s’attaquer aux personnes.
L’islamophobie n’est pourtant pas un phénomène récent. C’est ce que montre Edward W. Said, dans un livre de 1981 et réactualisé en 1997, enfin traduit en français. Le professeur de littérature à l’université Colombia de New York, d’origine palestinienne, décédé en 2003, montre que le discours islamophobe, se fonde sur des généralisations hâtives, sans nuances. Sans nier « l’étroitesse d’un certain nombre de musulmans »  attachés à un formalisme hérité du VIIe  siècle, ni les agressions perpétrées par des musulmans sur des Occidentaux qui donnent une piètre image de l’islam, il réfute les propos extravagants tenus par des intellectuels en vue, qui trouvent facilement un écho dans les médias. L’islam n’est pas un tout homogène, et on ne peut l’aborder sans faire droit à la diversité et à la complexité des sociétés musulmanes. Encore faut-il pour cela un système universitaire apte à produire un véritable savoir sur l’islam – littérature, droit, politique, sociologie –, et non seulement sur un islam classique révolu depuis longtemps ou à travers le prisme des questions géopolitiques de l’heure (pétrole, terrorisme, l’Iran, l’Afghanistan…).
L’auteur n’hésite pas à parler de « guerre culturelle menée contre l’islam » , y compris par d’éminents orientalistes. Ceux-ci ne feraient que s’inscrire dans la continuité des thèses issues des orientalistes britanniques et français du XIX siècle qui voyaient en l’islam un danger pour le christianisme et les valeurs libérales. Les sources de l’islamophobie seraient donc à chercher du côté d’une « modernité » occidentale prétendument « éclairée » qui exprime sa détestation pour un monde islamique refusant d’être dominé culturellement et politiquement. Le propos est très documenté, brillant et ferme. Et garde toute son actualité malgré la distance temporelle qui nous en sépare.


Dominique Greiner 

Source : www.la-croix.com 

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