10 mai 2010

Musulman et visible ?!

Par Hassan SAFOUI

Comment ne pas s’interroger sur le contenu réel des valeurs dont on ne cesse de nous rabâcher en France lorsqu’il s’agit de promulguer des lois directement orientées contre ce qui « relèverait » de l’Islam, ou contre ce qui en fait véritablement partie ?

Le 15 mars 2004, le parlement français a voté une loi qu’on ne peut dissocier du climat ambiant d’insécurité que le monde a connu à cette époque, et la machine médiatique avait alors chauffé les esprits à blanc, rendant tout rappel à la raison, et à la primauté des libertés fondamentales, inaudible, voire suspect. Une commission ad-hoc s’est constituée, et elle a rendu un rapport basé sur les seuls dires des personnes auditionnées, triées sur le volet (à ce propos, rappelons- nous de l’arbitraire avec lequel, deux femmes voilées ont été invitées pour assurer le cota !). Bien entendu, comme avant toute loi préméditée, il n’y a pas d’études sociologiques sérieuses, pas de véritable travail de terrain, ce qui a aboutit à un rapport truffé de raccourcis. Le résultat en est, jusqu’à nos jours, l’exclusion des filles concernées du droit à l’éducation Nationale, les autres collèges et lycées confessionnels refusant aussi de les accepter. Toujours est-il qu’aujourd’hui, les enfants musulmans, dans l’école de la République, ne cessent pas d’être musulmans, sauf que les filles qui portent un foulard sont obligées, humiliées, de se forger deux identités, l’une à l’extérieur, l’autre dans l’enceinte de l’école....On ose parler d’une loi modèle !

Aujourd’hui, c’est autour du voile intégral. Moins défendable, certes, mais tout aussi symptomatique de cette frénésie politique à légiférer dans tout ce qui a trait à la « sphère » musulmane.

Il suffit de le proposer à une classe politique encline à surfer sur les symboles, pour qu’une commission soit constituée et un débat parlementaire concocté. Et, avant même de rendre son rapport, les décideurs politiques sont déjà prêts à légiférer….

Tout ce climat ne peut que dissuader les citoyens musulmans de réclamer leurs droits en tant que citoyens à part entière. Tout tend à légitimer l’effacement de la visibilité musulmane en France.

Cette visibilité laisse paradoxalement la place à une manifestation de plus en plus déchainée des offenses envers les musulmans de France et leur religion. Des partis politiques s’affichent clairement contre la présence musulmane.

La liberté est mise à mal. D’autres ressortent les arguments fallacieux de la laïcité pour mieux la desservir. L’aumônerie musulmane peine à se voir reconnue, les lycées et collèges musulmans n’obtiennent de contrat avec l’état, qu’après avoir montré des pattes plus blanches que le reste des établissements confessionnels de France. Les politiques n’hésitent pas à dicter aux musulmans ce que dit leur religion….

Et lorsque c’est un musulman qui est jeté dans le canal, ou c’est une mosquée qui est mitraillée, la machine médiatique se trouve enrayée, les politiques loquaces se montrent taiseux… Quelle attitude adopter ? se résigner ? désespérer ? Certainement pas… L’authenticité, la rigueur intellectuelle exigent de rester, musulman ou pas, fidèle à ses idéaux. Etre musulman, c’est être fidèle à la vérité, à la justice. La fraternité exige que l’on n’accepte pas pour autrui ce que l’on n’accepte pas pour soi.

Il y a tellement de raisons pour qu’un musulman aujourd’hui en France, se referme sur lui, fasse ce qui lui incombe comme devoirs, sans trop en demander, tellement on lui prend la tête avec des sujets montés en épingles, et des leçons dont les donneurs ne saisissent même pas le sens. Heureusement, la spiritualité musulmane procure une force qui permet d’avancer, tête haute avec des positions claires. L’authenticité n’accepte ni positions stratégiques, ni paresse, ni angoisse…

C’est dans les relations au quotidien avec les petites gens qu’on construit un avenir meilleur, et qu’on démolit l’image qu’on nous impose. Lorsqu’on construit durablement et simplement la confiance, les autres dans leur travail, dans leurs quartiers et dans les cafés, finissent par comprendre que le destin des citoyens français est commun. Et au lieu de prendre les musulmans pour d’eternels sujets de lois, on s’orientera vers une société réellement solidaire où toutes les composantes s’expriment sans gène. Parce que même si certains font tout pour installer l’idée selon laquelle l’Islam pose problème, même si leurs fêtes passent inaperçues, et leur pratique est stigmatisée, les musulmans restent des citoyens ni plus ni moins, malgré les voix qui cherchent à leur attribuer le signe moins…

Source: www.uoif-online.com

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