23 sept. 2010

L'islamophobie, business électoral de la peur en Europe

Par Dorothée Fraleux

Dans plusieurs pays européens, les populistes en tous genres font de l'islam un repoussoir commun facile à invoquer pour cristalliser toutes les phobies et les peurs. Et gagner des voix, comme en Suède ce dimanche.

La percée de l'extrême droite aux élections suédoises est symptomatique. Le parti d'extrême droite Sverigedemokraterna (SD, les Démocrates de Suède), avait fait campagne sur les droits des personnes âgées et… une réduction de l'immigration.

Dans son clip de campagne, finalement censuré par la télévision, une vieille dame suédoise en déambulateur se dirige péniblement vers un guichet qui doit lui donner une pension. Elle est dépassée dans sa course par une foule de femmes en burqua, la main tendue vers les subventions de l'Etat.

En Europe, stigmatiser une population ou une religion semble être un bon moyen de regagner des points électoraux, et pas seulement pour la frange brune de l'électorat.

Allemagne : « Messire, un Sarrazin ! »

En Allemagne, sur la façade des bureaux berlinois du NPD, le parti d'extrême droite allemand, une grande pancarte avait été apposée : « Sarrazin a raison ». L'extrême droite allemande n'est pas en train de reconnaître à titre posthume les invasions sarrasines médiévales, mais témoigne ainsi son assentiment aux thèses de l'éponyme Sarrazin, Thilo de son prénom.

Cet ex-membre du directoire de la Bundesbank, et auteur du pamphlet « L'Allemagne s'autodétruit », fait du nombre croissant des musulmans en Allemagne l'une des causes de déclin du pays.

Pour l'économiste, l'équation est simple : l'intelligence est entre 50 et 80% héréditaire, et certaines populations, pour des raisons culturelles ou génétiques, sont moins intelligentes que d'autres. Ces populations, la plupart du temps musulmanes, ont un taux de fécondité beaucoup plus élevé que les Allemands. L'Allemagne est donc menacée d'abêtissement.

Pourtant, Thilo Sarrazin, membre du SPD, le parti social-démocrate allemand -qui a d'ailleurs envisagé son exclusion-, refuse d'être associé au parti néonazi allemand et l'affiche sur les locaux NPD a été retirée. Reste une réalité : quelques semaines après la polémique qui a entouré le scandale Thilo Sarrazin, 18% des Allemands étaient prêts à l'élire chancelier.

Espagne : les socialistes contre le voile intégral

De même, en Espagne, la première municipalité à avoir limité, fin mai, le port du voile intégral dans les bâtiments publics, est la ville catalane de Lérida, bastion du PSOE, le parti socialiste du Premier ministre Zapatero.

À l'approche des élections régionales du 28 novembre, plusieurs villes de Catalogne dirigées par des socialistes ou des nationalistes ont suivi l'exemple de Lérida. Et après la Catalogne, les municipalités d'Andalousie commencent à faire de même.

Un moyen de gagner des points électoraux à bon compte ? Cela ne fait aucun doute pour Fatima Mohammed, conseillère municipale du Parti populaire (opposition de droite) pendant huit ans à Gines, près de Séville. Pour avoir refusé d'ôter son hijab pendant les séances du conseil municipal, elle a été immédiatement sanctionnée par son parti : elle ne pourra pas se présenter sous ses couleurs aux élections municipales de mai 2011.

Pays-Bas : taxer l'islam

Aux Pays-Bas, Geert Wilders fait également dans le business de la peur de l'islam. Son parti, le PVV, le Parti de la liberté, propose d'interdire le Coran et de mettre en place un impôt sur le voile. Dans son film, « Fitna », il va jusqu'à comparer le Coran à « Mein Kampf ».

Lors des cérémonies de commémoration du 11 Septembre, il a été accueilli en triomphe par un parterre d'Américains proches du Tea Party, heureux de le voir s'ériger en détracteur de la construction d'une mosquée près de Ground Zero, projet défendu par Barack Obama et Michael Bloomberg, le maire de New York.

Le sociologue néerlandais Bob Van Den Bos, ancien député et eurodéputé libéral de gauche, nous explique le secret du rejet croissant envers les musulmans :

« La culture néerlandaise est basée sur le devoir d'être normal, de ne pas sortir des rangs. Wilders a voulu identifier le vandalisme des jeunes avec l'islam et s'adresser aux populations plus âgées et sensibles au respect de cette tradition de civisme hollandais. »

Italie : le retour aux croisades

Et en Italie, la Ligue du Nord n'est pas en reste, sous l'impulsion de Mario Borghezio, eurodéputé. En 2008, à Gênes, le parlementaire était entré dans l'Eglise San Giovanni di Prè pour protester contre le projet de la maire de Gênes, Marta Vicenzi, de faire de l'hospice attenante à l'église un lieu de prière multiconfessionnel.

Sous la bannière de Ligue du Nord, il avait déclaré :

« Nous, Chevaliers de la chrétienté, jurons de toujours défendre et de toutes les manières possibles ces lieux de la profanation et de l'invasion islamique. »


Source: www.rue89.com

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