
Quand on cherche du travail, être femme et être musulmane, c'est cumuler les handicaps. On sait les progrès qui restent à faire pour l'emploi des femmes en général, la situation des musulmanes « issues de l'immigration » est encore pire. « Elles connaissent un risque d'exclusion plus important, précise Zakia Meziani, présidente de l'ARDLFM. La réussite scolaire ne leur garantit pas une insertion professionnelle.
Leur taux de chômage est plus important, selon un rapport de la députée Marie-Jo Zimmermann. Elles occupent davantage de postes non qualifiés et sont davantage employées en contrats aidés. »
Pourtant, l'Islam est bien soluble dans l'entreprise. Dans " Allah a-t-il sa place dans l'entreprise ? ", Dounia Bouzar rappelle jusqu'où on peut pratiquer sa religion dans l'entreprise sans se heurter à la loi. Et de donner cinq « critères » qui limitent la pratique religieuse au travail : l'hygiène, la sécurité, l'interdiction du prosélytisme, la réalisation de sa mission, l'organisation du travail et l'intérêt commercial de l'entreprise. Les autres cas sont des cas de discrimination « et c'est interdit ». Ce qui ne veut pas dire que ça n'existe pas. Le témoignage de Fatima était, à cet égard, édifiant. « Je travaillais dans un cabinet d'experts comptables, raconte-t-elle. J'ai commencé à porter le foulard en 1981. Au début, je l'enlevais quand j'allais au travail, mais, en 1992, j'ai décidé de ne plus l'enlever. Il y a eu des hauts et des bas, mais, après le 11 septembre 2001, j'ai commencé à avoir de sérieux problèmes. Mon chef m'a dit : maintenant, il faut que tu t'intègres ! J'ai fini par être licenciée après vingt-cinq ans dans l'entreprise. J'ai saisi les Prud'hommes et j'ai gagné. Au moment de mon licenciement, j'avais envoyé un courrier aux clients dont je m'occupais pour donner ma version des faits. Finalement, quatre sociétés m'ont contactée pour que je travaille pour elles et elles ont quitté l'ancien cabinet ! » Une histoire qui finit bien, pour combien de femmes au chômage ? « Les femmes sont perçues à partir de la représentation de la sous-catégorie "filles voilées" dans la catégorie musulmans, analyse Dounia Bouzar. Pour changer des représentations aussi figées, il faut être à l'intérieur de la société.
Les candidats chrétiens ont beaucoup plus de chance que leurs homologues musulmans d'être reçus en entretien d'embauche.
Lorsqu'elle répond à une offre d'emploi, Aurélie Ménard obtient 29 % de réponses positives. Marie Diouf en reçoit 22, et Khadija Diouf seulement 9. Leurs curriculum vitae sont strictement identiques en ce qui concerne leur profil général, leur cursus et leur expérience professionnelle : elles ont chacune 24 ans, sont de nationalité française, possèdent un BTS et une expérience de trois ans dans le domaine du secrétariat de direction ou de l'aide comptable. Seules différences. Ménard est un patronyme typiquement français alors que Diouf est un nom de famille courant au Sénégal. Mais surtout, Marie Diouf porte un prénom typiquement chrétien et son CV mentionne qu'elle a travaillé ou a été bénévole pour des associations catholiques. Alors que Khadija Diouf porte un prénom typiquement musulman et a exercé les mêmes fonctions que Marie, mais pour des associations musulmanes.
C'est cette différence qui a fait l'objet d'un testing réalisé en 2009. Comment varient les réponses des employeurs en fonction de la supposée religion du candidat ? Les résultats sont dévoilés et analysés pour la première fois ce soir à Lyon, à l'occasion de la conférence inaugurale de la Chaire « Egalité, Inégalités et Discriminations » créée par l'Université Lumière Lyon 2 et ISM-CORUM. L'enquête est produite dans le cadre d'un projet de recherche menée par David Laitin, professeur de sciences politiques à l'Université de Stanford (USA)
Aurélie, Marie et Khadija sont donc des candidates fictives. Leurs curriculum vitae ont été envoyés dans toute la France en réponse à des offres d'emploi. Si d'autres testings avaient auparavant prouvé une très nette discrimination à l'encontre des candidats maghrébins par rapport aux candidats français de souche, cette méthode d'enquête n'avait jamais été utilisée en Europe pour tester l'attitude en fonction de la seule religion. La démonstration est claire : les chances d'un candidat musulman d'origine sénégalaise d'être contacté pour un entretien d'embauche sont significativement inférieures à celles de son homologue chrétien. Cette réalité dérangeante dans une République française laïque ne surprend pas Eric Cediey, directeur d'ISM-Corum. « La méthode du testing a pour avantage de poser clairement les choses, de les mettre sur la place publique. L'espoir est de sensibiliser l'opinion sur un problème désormais mesuré, et bien sûr de réduire ce problème ».
Source: www.leprogres.fr
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