31 oct. 2010

L’imama de la femme

Par Dr Cheikh Tahar Mehdi

L’éducation des musulmans aujourd’hui ne leur permet pas d’accepter qu’une femme puisse être prise en considération dans certains domaines où l’homme, depuis des siècles, règne sans partage. Il n’est pas concevable pour le commun des musulman qu’un juriste approuve qu’une femme puisse diriger la prière devant les hommes et pourtant cela relève d’une réalité tangible pendant l’apogée de la civilisation musulmane où certaines femmes dépassaient certains hommes dans plusieurs domaines de savoir.

Concernant l’imama de la femme, le prophète rendait souvent visite à Umm Waraqa et comme il savait sa capacité en matière de religion, il lui a demandé de prendre un muezzin et diriger la prière chez elle devant les femmes et les hommes de sa famille dans les prières surérogatoires et obligatoires.1

L’on constate selon ce hadîth que l’imama de la femme est en elle-même valide, qu’elle soit pour les femmes ou pour les hommes, puisque le muezzin de Umm Waraqa était étranger à elle en n’ayant aucun lien parental prohibé, et pourtant il priait derrière elle. Si on nous dit que cela relève d’une spécificité accordée à cette femme, nous rétorquons que la spécification d’un statut juridique nécessite une preuve explicite, or ici elle n’existe pas car la permission du prophète ne mentionne aucun traitement de faveur particulier. En effet, si d’autres femmes étaient venues demander au prophète la même chose il le leur aurait accordé mais ce n’est pas le cas. Par conséquent aucune particularité n’est décelable quant à Umm Waraqa.

Parmi les savants qui ont permis l’imama de la femme l’on trouve Abû Thawr, Muzanî, et Tabari.

San‘ânî a mentionné que Tabarî a permis l’imama de la femme aux hommes uniquement dans la prière de Tarâwîh à condition qu’elle soit versée dans la religion. Il a pris pour preuve la hadîth susmentionné. Quant au hadîth d’Ibn Mâja : « Qu’aucune femme ne dirige la prière devant un homme », il l’a considéré comme étant un hadîth faible (da‘îf).2

Ibn Taymiya soutient l’opinion d’Ahmad Ibn Hanbal qui lui, permet l’imama de la femme pour des hommes non qualifiés en fiqh ou pour un besoin certain exactement comme Umm Waraqa.3

Dans l’inçâf de Mardawî on lit : « si la femme était plus versée en savoir religieux que les hommes elle les dirige, surtout si elle a atteint un âge avancé ou parmi eux il y a un homme de lien prohibé par rapport à elle. Mais la majorité des hanbalites a accepté son imama absolument grâce au hadîth d’Umm Waraqa.4

Abû Al-Khattâb déclare : « nous compagnons acceptent l’imama de la femme dans les prières de Tarâwîh, dans le majmaa al-bahrayn cette opinion est celle de la majorité de nos amis hanbalite car Zarkashî déclare que cette opinion est celle d’Ahmad Ibn Hanbal et la majorité des hanbalites. Ibn Hubayra a attribué avec certitude cette opinion à Ahmad en l’affirmant dans les fuçûl, le mazhab et la bulgha. ».

Ce que nous exposons ici, ce sont des opinions tout à fait respectables de savants à tous les niveaux comparables aux savants des quatre écoles communément reconnues. On a même rapporté que certains parmi eux sont plus versés dans le savoir que certains juristes reconnus par la majorité des musulmans. Tabarî, Abû Thawr, Muzanî et d’autres sont des savants d’une probité scientifique sans faille, car aucun savant après eux n’a critiqué leur piété ou savoir. Seul Ahmad Ibn Hanbal a approuvé l’imama de la femme dans les prières surérogatoires selon l’opinion la plus célèbre parmi plusieurs autres.

Nous ne sommes pas entrain de comparer ou d’opter parmi ces opinions doctrinales, mais notre impartialité et objectivité nous oblige à exposer cette vérité longtemps étouffée au profit de contrevérités véhiculées souvent par une foule inconsciente et insensée. Et souvent par des juristes qui sont en connaissance de cette vérité intentionnellement occultée. L’impartialité et la neutralité scientifique exigent du chercheur de ne pas occulter les opinions des savants qui ont des positions hors norme sociale. Leur seul but fut de ne pas accabler une certaine catégorie de la société musulmane et à même de la mettre à l’aise afin qu’elle contribue dans les différents domaine de la vie.

Ces éminents savants étaient loin de la rigueur avec laquelle l’on juge aujourd’hui les affaires qui ont trait à la femme musulmane. Les adeptes d’un tel fiqh continuent actuellement à user abusivement de la célèbre règle juridique : « Obstruction aux subterfuges » jusqu’à ce que on ait vu un juristes déclarer : « La femme n’a nullement le droit de diriger la prière ni devant les hommes ni devant les femmes qu’elle soit à caractère obligatoire ou surérogatoire».5

Le traumatisme est tel qu’aucune femme n’ose prétendre à ce droit qui lui est pourtant accordé par l’islam, et qu’aucun homme n’est capable de prier derrière une femme vue l’éducation erronée qui lui a été inculquée stipulant que la femme n’a aucune place dans la société humaine, moins encore dans la direction de la prière. Par conséquent, le dénigrement est tel que l’on croit que la religion est le domaine d’exclusion de la femme par excellence ce qui n’est pas la vérité.

Il ne faut pas croire que nous sommes adeptes de l’imama de la femme devant les hommes, mais nous voulons seulement rétablir une vérité tant étouffée et un droit tant occulté au sujet de la femme. C’est pourquoi, nous voulons que les musulmans croient en certains principes institués par l’islam, même s’ils n’arrivent pas à les mettre en pratique immédiatement. Nous voulons également montrer que nous autres musulmans nous avons pendant 15 siècles empêché les femmes musulmanes de jouir de certains de ses droits pour garder l’hégémonie sur elle sans se rendre compte que ce comportement injuste pousse la musulmane à abandonner l’islam ou du moins à le dénigrer.

*Article tiré du livre "Les vérités étouffées sur la femme en Islam"



[1] Abû Dâwûd salât 500. cf. 'awn maabûd sharh sunan abî dâwûd.

[2] Cf. subul al-salâm 2/28.

[3] Cf. qawâ‘id nûrâniya Ibn Taymiya 2/78.

[4] Inçâf 2/246.

[5] Ibn Hazm, muhallâ, 3/128.


Source: http://taharmahdi.free.fr

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