16 sept. 2010

Le voile intégral, fin de saison !

Par Martin Gale

Le feuilleton du débat sur l’interdiction de la burqa et du niqab a pris fin avec le vote du Parlement ce 14 septembre. L’épilogue se jouera au Conseil constitutionnel.

Le Parlement français a adopté mardi le projet de loi interdisant le port du voile intégral dans les lieux publics. Une première en Europe.

Par 246 voix contre 1, le Sénat a approuvé le texte voté par l’Assemblée nationale le 13 juillet dernier. Lequel proscrit "la dissimulation du visage dans l’espace public", incluant commerces, transports, parcs, cafés, mairies, écoles et hôpitaux. Il interdit donc le port du niqab -qui ne laisse voir que les yeux- et de la burqa, qui masque l’ensemble du corps. Tout(e) contrevenant(e) pourra se voir infliger une amende de 150 euros accompagnée ou remplacée par un stage de citoyenneté.

Dessin de Goubelle - JPG - 26.6 ko
Dessin de Goubelle

La loi prévoit aussi un délit de "dissimulation forcée" - qui vise toute personne obligeant une femme à porter le voile intégral - sera quant à lui puni d’un an de prison et de 30.000 euros d’amende.

Sans attendre, Bernard Accoyer, président de l’Assemblée nationale, et Gérard Larcher, à la tête du Sénat, ont indiqué dans un communiqué mardi soir avoir saisi le Conseil constitutionnel. But de cette saisine, "que la conformité [du texte] à la Constitution ne puisse être affectée d’aucune incertitude".

Clic : quels arguments face au Conseil Constitutionnel ?

Si la loi reçoit l’aval du Conseil Constitutionnel, qui se prononcera d’ici un mois, les nouvelles dispositions entreront en vigueur dans six mois, au printemps 2011.

Beurqa style et burniqab girl

Au fait, quel est le profil de la porteuse de niqab ? Maryam Borghée prépare depuis quelques mois un mémoire sur le voile intégral en France sous la direction du sociologue Michel Wieviorka. Elle a livré à Bakchich quelques-uns des premiers constats établis à partir des entretiens qu’elle a réalisés avec un panel représentatif des Françaises qui portent le voile intégral sur l’ensemble du territoire. De quoi dresser un premier profiling ici résumé de ces « fantômes » et autre burniqab girls qui hantent tant les Sarko boys…

Celle-ci a généralement entre 15 et 35 ans – mais surtout entre 18 et 25 ans. La plus jeune est une française convertie de 14 ans et la plus vieille compte 50 ans printemps qu’Allah a fait. Elle est issue soit de la bourgeoisie soit de milieu populaire. Elle est le plus souvent ré-islamisée, « born again » comme disent les britanniques, c’est-à-dire d’origine familiale musulmane : c’est d’abord la beurqa girl, d’origine nord africaine, suivie de la française d’origine de pays d’Afrique musulmans, puis la Comoréenne et l’Antillaise. Enfin, la « pure » convertie.

Elle perçoit généralement sa décision comme « un acte religieux, et s’appuie sur les textes d’inspiration salafite », explique la chercheuse, quand elle ne le vit pas comme « une sorte d’expérience initiatique, un rituel de passage pour changer », visant une « renaissance symbolique ».

En choisissant le voile intégral, elle s’inscrit dans une logique d’affirmation qui « passe par un processus de distanciation » d’avec non seulement les non-musulman (e)s, surtout les mécréant(e)s et autre produit franchouilles athé(e), ou encore les musulman(e)s non pratiquant(e)s, mais aussi avec sa « sœur » voilée…du seul hijab ! Normal, la burniqab girl se considère « meilleure musulmane », et la longueur de son tissu est proportionnel à la profondeur de son engagement. Il constitue une « valeur ajoutée par rapport au hijab » dans le « désir de dépassement » de la femme qui le porte.

Transmis aux pandores qui auront pour mission de faire respecter la nouvelle loi.

Niqab around the world

Si le débat sur le port du voile intégral a souvent divisé, il sait aussi réconcilier. Et réunir dans une même adversité pour ou contre, les courants les plus opposés, au point de créer des alliances bien inattendues.

Défenseurs des droits de l’homme, main dans la main avec les islamistes, pour le défendre au nom de liberté religieuse, féministes militantes aux côtés des catholiques pratiquants pour le rejeter au nom de l’asservissement de la femme, c’est l’effet magique de ce bout de tissu : celui de faire tomber des clivages politiques et idéologiques considérés comme définitivement infaillibles.

Et pas seulement en terres européennes de tradition judéo-chrétienne.

En Algérie par exemple, le très laïque et progressiste Front des Forces Socialistes (FFS), dirigé par le kabyle Hocine Aït Ahmed s’est ainsi rangé dans le camp des islamistes très conservateurs d’El-Islah et de l’Association des Oulémas pour fustiger l’obligation de retirer le voile pour les femmes – mais aussi de se raser la barbe pour les hommes – sur la photographie imposée par les nouveaux passeports biométriques récemment mis en service par le gouvernement. Et la liberté des individus, alors ?

En Egypte, les organisations de défense des droits de l’homme et les associations militantes d’écrivains laïques ont bruyamment protesté contre les restrictions gouvernementales imposées au port du niqab ou de la burqa dans certains espaces publics, toujours au nom de cette sacro-sainte liberté et contre la discrimination faite aux femmes des quartiers populaires, où le voile intégral connaît une montée en puissance plus importante encore qu’au sein de la bourgeoisie.

Et qui ont-ils trouvé comme meilleurs alliés ? Les partis islamistes, bien sûr, Frères musulmans associés aux durs de la Gammaa Al-Islamiya et à un nouveau front comprenant un courant frondeur de Docteurs en loi islamique issus de l’université d’Al-Azhar du Caire. Et tous de conspuer d’une même voix la fatwa du Grand Imam de la Mosquée du même nom, le Professeur Mohamed Sayed Tantawi, autorité religieuse de fait dans un islam sans clergé, pour avoir qualifié le voile intégral de « tradition contraire à l’esprit de l’islam ». Un vendu au régime, qui brade les principes religieux et la démocratie sur l’autel du pouvoir politique ! se sont-ils offusqués de concert. Non sans arrière pensées. Ici comme ailleurs, les consensus contre-nature se forment sous couvert d’arguments à variables géopolitiquement correctes, que chaque camp s’attribue et s’arrache.


Source: www.bakchich.info

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