3 juil. 2010

L’Europe menace Fillon

par Aurore Guilbaud

Tandis que le projet de loi sur le voile intégral fait la quasi-unanimité dans les partis politiques français, des institutions européennes s’y opposent.
Pour l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (1), il est interdit d’interdire le port de la burqa. C’est le message d’une résolution adoptée le 23 juin (par 108 voix et 4 abstentions) et passée inaperçue en France.

Or l’Assemblée nationale s’apprête à discuter du 6 au 9 juillet en séance publique le projet de loi interdisant le port du voile intégral. La résolution européenne invite les 47 États membres du Conseil de l’Europe à ne pas adopter de lois qui interdiraient aux femmes qui le souhaitent de se voiler le visage. Ils demandent également à la Suisse d’annuler sa loi contre la construction de minarets.

Inquiétude

Principal argument : ces lois sont incompatibles avec la Convention européenne des droits de l’homme, dont l’article 9 garantit à chacun « le droit de manifester sa religion ou ses convictions, individuellement ou collectivement, en public ou en privé (…) ».

L’Assemblée, qui réfléchit depuis un an à cette question, s’inquiète du nombre croissant de partis politiques en Europe qui exploitent la peur de l’islam et mènent des campagnes assimilant musulmans et extrémistes. Elle comprend des élus de gauche comme de droite. Jean-Claude Frecon, sénateur PS de la Loire (Rhône-Alpes) est l’un d’eux : « Interdire de façon générale la burqa est un acte hypocrite. Je pense d’abord à la condition des femmes.

Il y a deux cas de figure : celles qui souhaitent librement se voiler le visage et cela relève de leur liberté, et celles qui sont contraintes par leur entourage familial. Que va-t-il se passer si on applique cette loi ? Ces femmes vont être obligées de rester chez elles et n’auront plus de contact avec l’extérieur. C’est inadmissible. »

La résolution invite les États à élaborer des politiques ciblées, destinées à sensibiliser les femmes musulmanes à leurs droits et à les aider à prendre part à la vie publique. Elle rappelle également que « les musulmans sont chez eux en Europe, où ils sont présents depuis des siècles ».

L’Assemblée du Conseil de l’Europe rappelle toutefois que des restrictions légales peuvent être imposées pour des raisons de sécurité ou lorsque les fonctions publiques d’une personne l’obligent à faire preuve de neutralité religieuse.

Pour Jean-Claude Frecon, on stigmatise le niqab alors que d’autres signes religieux sont visibles dans l’espace public : « Il y a les voiles des sœurs, les soutanes des curés ou encore les chapeaux des rabbins. Je ne suis pas spécialement pour ces démonstrations religieuses, mais je respecte avant toute chose la liberté de chaque homme et de chaque femme. »

La France, la Belgique (qui vient d’adopter une loi interdisant le port du voile intégral) ou la Suisse pourront-elles être sanctionnées par le Conseil de l’Europe ? « Hélas, non, soupire Jean-Claude Frecon. La recommandation est soumise au Comité des Ministres qui a un poids plus importants vis-à-vis des États. Toutefois son pouvoir d’action est limité. La seule sanction possible est l’exclusion du pays du Conseil de l’Europe, comme cela fut le cas en 1969, quand les colonels grecs alors accusés de violations des Droits de l’Homme se retirèrent du Conseil de l’Europe avant que celui-ci ne décide de les exclure. Un cas rarissime. »

Socialistes

Cet avis négatif s’ajou­te à celui du Conseil d’État qui avait rejeté l’hypothèse d’une interdiction générale du voile intégral, d’un point de vue tant juridique (légitimité) que pratique (application). Un avis que n’a pas suivi le gouvernement en adoptant en conseil des ministres le 19 mai un projet de loi qui interdit le port du voile dans l’ensemble de l’espace public, puni de 150 € d’amende et/ou d’un stage de citoyenneté (dont on ne connaît pas encore le contenu…).

Le projet a été adopté par la commission des lois à l’Assemblée nationale le 23 juin. Les socialistes présents se sont abstenus. Entre ceux qui disent « non » à Strasbourg et ceux qui s’abstiennent à Paris, les socialistes ont apparemment du mal à se positionner sur ce sujet.

1. Créée en 1949, cette assemblée est composée de 321 membres titulaires et siège quatre fois par an. C’est l’organe délibérant du Conseil de l’Europe.

Source: www.temoignagechretien.fr

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