24 mai 2010

L’islam expliqué aux non-musulmans

Je ne suis en rien connaisseur de l’islam, n’étant même pas arabisant, mais, d’après mes informations, et sauf erreurs à rectifier, il me semble qu’on pourrait dire ceci, qui est, un peu abruptement, une présentation de l’islam dans ses aspects les plus pertinents pour un non-musulman (il n’y est donc pas question des « cinq piliers de l’islam« , etc.) :
  1. L’islam tel qu’il se présente est le système intégral de vie qui est naturel à l’humanité (« fitra »), système dont le cœur est une religion au sens courant (mais voir plus bas). A la naissance, tout enfant est musulman, il ne peut en être autrement, et c’est sa famille et son entourage qui en A la naissance, tout enfant est musulman. On ne se « convertit » pas à l’islam, on « revient » à l’islam.font, illégitimement, un juif, un chrétien, un hindouiste, un bouddhiste, un jain, un sikh, un druze, un bahai, un taoïste, un athée, un agnostique, un déiste, un panthéiste, etc. Ce point de doctrine fondamental est tellement important qu’il figure en bonne place dans la Déclaration du Caire des droits de l’homme en Islam (1990), ratifiée par les pays musulmans : l’islam est la « religion de l’innéité » (le reste de l’article 10 doit être interprété attentivement à cette lumière). Tout non-musulman a intérêt à saisir ce point de doctrine, complètement insolite, au vu des conséquences considérables qu’il emporte. L’islam semble bien être la seule « religion » qui émette une pareille prétention.
  2. Du coup, première conséquence, on ne se « convertit » pas à l’islam, on « revient » à l’islam. Par suite il est logiquement impossible d’en sortir : c’est un aller simple, ou, disons, un retour simple. Celui qui y prétend trahit en définitive son humanité, et est donc en principe passible de la mort.
  3. Deuxième conséquence, les juifs et les chrétiens ont faussé l’interprétation des écritures, et même les ont falsifiées, car Adam, Noé, Abraham, Moïse, Salomon, Marie, Jésus, etc., étaient tous, de toute évidence, de bons musulmans. Par conséquent le « dialogue interreligieux » consiste pour juifs et chrétiens à reconnaître ce fait et à se soumettre à l’islam. On trouvera facilement sur Internet des argumentaires musulmans construits sur l’ »évangile de Barnabé », et qui vont dans ce sens. Il faut le redire pour ceux qui ne veulent pas l’entendre : un juif ou un chrétien doit admettre qu’il appartient à une religion de falsificateurs de textes. Il n’est pas certain que tous les prêtres et évêques qui prônent le dialogue avec l’islam aient une claire conscience de ce préalable, qui semble peu propice à une discussion de bonne compagnie.
    On présente souvent l’attitude musulmane envers les fidèles des « religions du livre » comme empreinte de sympathie. Indépendant des bons rapports entre personnes, évidemment toujours possibles, c’est, du point de vue doctrinal, une illusion complète, porteuse de dangers gravissimes.
    Il ne faut pas se contenter de parcourir vaguement le Coran, sinon on ne peut absolument pas comprendre l’islam. Le Coran doit être lu en suivant scrupuleusement la théorie de l’abrogation, qui y est explicitement contenue. La théorie de l’abrogation dispose que, si deux passages du Coran sont incompatibles, c’est le plus récent chronologiquement qui l’emporte. C’est ainsi que les passages sympathiques envers juifs et chrétiens sont en fait annulés, caducs.
    Sur ces questions, et sur ce qui suit, on pourra penser que Bath Ye’or, Jacques Ellul, Alain Besançon, Rémi Brague, pour ne citer que quelques noms, sont bien plus lucides que beaucoup de commentateurs superficiels, qui projettent sur l’islam ce qu’ils désirent qu’il soit, l’alternative étant trop pénible à contempler, fondée qu’elle est sur le présupposé peut-être un peu candide que tout le monde nous veut du bien, et du bien exactement au sens où nous l’entendons.
  4. L’islam n’est pas une « religion » ou une métaphysique comme le christianisme ou le bouddhisme, distinguant en particulier, au départ, Dieu et César, mais se présente virtuellement ou de fait comme un système intégral de vie (social, politique, juridique, moral, économique, etc., jusqu’à la politesse), cadastré minutieusement par la charia. La charia ressemble certes à la Halakha juive, mais on doit se garder d’un parallélisme facile. La différence, et elle s’avère radicale, c’est que les juifs n’ont absolument aucune velléité de gagner les gentils au judaïsme, et n’ont d’ailleurs jamais prétendu que le judaïsme est la religion naturelle de l’humanité : les non-juifs ne sont pas soumis au « joug de la Tora », puisqu’ils doivent suivre la « loi noachique », aux prescriptions minimales.
    D’ailleurs on ne peut pas comprendre réellement l’islam si on n’a pas pris la peine de compulser les hadiths, notamment les plus respectés, ceux de Boukhari ou de Muslim, aisément disponibles en traduction sur Internet. Les sites de consultation juridique sur Internet fourmillent de questions angoissées sur une infinité de vétilles (du moins qui paraissent telles à un athée ou à un chrétien), et les réponses méritent d’être méditées. Un seul exemple : est-il licite de saluer un infidèle avec le « Salam aleikoum » ? Non, dit un puritain, on ne peut lui souhaiter la paix, puisqu’on est en guerre avec lui. Si, dit un autre, aux idées plus larges. Mahomet étant le « beau modèle » pour tous les bons musulmans, le moindre de ses comportements, tels que rapporté par les hadiths, acquiert force de loi, même sur des questions ténues à l’extrême, sur des points d’hygiène intime, par exemple. Un texte comme la Lettre à Diognète (IIème siècle), est totalement étranger à la pensée islamique. En voici quelques passages instructifs, demeurés valables après dix-huit siècles et de profonds changements culturels : « Les chrétiens ne se distinguent des autres hommes ni par le pays, ni par le langage, ni par les coutumes. Car ils n’habitent pas de villes qui leur soient propres, ils n’emploient pas quelque dialecte extraordinaire, leur genre de vie n’a rien de singulier. [...] Ils habitent les cités grecques et les cités barbares suivant le destin de chacun ; ils se conforment aux usages locaux pour les vêtements, la nourriture et le reste de l’existence, tout en manifestant les lois extraordinaires et vraiment paradoxales de leur manière de vivre. Ils résident chacun dans sa propre patrie, mais comme des étrangers domiciliés. Ils s’acquittent de tous leurs devoirs de citoyens, et supportent toutes les charges comme des étrangers. Toute terre étrangère leur est une patrie, et toute patrie leur est une terre étrangère. Ils se marient comme tout le monde, ils ont des enfants, mais ils n’abandonnent pas leurs nouveau-nés. »
    Poussons plus loin. L’évolution de la civilisation conduit non seulement à une division du travail, mais à une division des lieux, des grandes fonctions. Le Foyer est le lieu de la famille, l’Agora (ou le Palais) est le lieu où se discute et se décide la politique, l’Académie est le lieu où se découvre et s’enseigne le savoir, l’Usine / le Bureau et le Marché sont les lieux où se produisent et s’échangent biens et services, le Temple est le lieu où un culte est rendu à la divinité. Nous avons soigneusement appris à distinguer l’Agora et le Temple (la « séparation des Eglises et de l’Etat » en France), afin d’éviter le double péril du cléricalisme d’une part, de la mainmise de l’Etat sur les religions ou l’athéisme d’Etat d’autre part. Une majorité d’entre nous persiste étrangement à confondre l’Agora et le Marché, en général en prônant l’intervention de l’Etat (vertueux, bienveillant et omniscient) sur l’économie, avec des effets calamiteux et liberticides. Nous avons appris aussi à distinguer l’Académie et le Temple, avec des risques constants de retour à la confusion, et cela des deux côtés. Chose inquiétante, certains scientifiques manifestent des velléités de vouloir demander à l’Agora d’intervenir dans l’Académie (l’affaire du changement climatique montre parfois des tendances inquiétantes à l’idéologisation de la science, avec appel au bras séculier pour mater les mal-pensants). Or c’est dans ce contexte d’une différenciation raisonnée que, sous l’impact de l’islam, le risque apparaît de glisser sur la pente de l’indistinction généralisée, sous l’égide englobante de la charia, d’où une régression culturelle lourde de conséquences.
  5. Le jihad est un devoir central dans l’islam, et ne consiste nullement, ni dans un prosélytisme paisible, ni encore moins dans ce qu’on a appelé le jihad « intérieur », la maîtrise des passions, etc. (« l’islam est une religion de paix », et autres présentations irréalistes, souvent centrées sur un soufisme à l’usage d’intellectuels occidentaux, qui ne semblent guère convaincre les non-musulmans de Malaisie, d’Indonésie et des Philippines, pour ne pas citer les pays arabes ou l’Iran, lesquels vivent quotidiennement une tout autre expérience). Il s’agit bel et bien d’un combat contre les infidèles, par tous moyens, éventuellement par la dissimulation (« taqiyya »), en n’excluant pas les moyens militaires. On trouvera aisément sur Internet l’instructif ouvrage « The Quranic Concept of War » d’un général pakistanais aujourd’hui défunt. La Terre entière appartient à Allah, et, par suite, aux fidèles d’Allah. Il est légitime que ceux-ci s’emparent des biens des ennemis d’Allah.
  6. Comme le jihad ne peut pas aboutir immédiatement, on accepte une trêve avec les infidèles, mais pas plus (on a donc une division du monde en trois domaines, le domaine de l’islam, le domaine de la guerre, et le domaine de la trêve). Une fois les infidèles des « religions du livre » soumis à la domination de l’islam, ceux qui persistent dans leur infidélité acquièrent le statut de dhimmi, c’est-à-dire celui d’un être inférieur, soumis aux lubies de son environnement. On observe avec une certaine mélancolie les résultats pour les juifs et pour les chrétientés d’Orient, qui ne semblent guère corroborer les peintures riantes de l’Andalousie ancienne, où, nous dit-on, ce n’étaient qu’embrassades généralisées. C’est en principe encore pire pour les autres.
  7. Le Coran n’est pas un texte rédigé par un être humain sous l’inspiration divine, mais la parole même d’Allah, directement « descendue » telle quelle en pure langue arabe, verbatim, et, comme telle, incréée. Il est donc impensable de le soumettre à un examen exégétique sérieux (c’est la théorie de l’abrogation qui tient lieu de « mode d’emploi », non sans susciter un problème grave). Ceci rend très délicate une interprétation du texte tenant compte des conditions du contexte d’apparition de l’islam, et encore moins une approche évolutive du texte, qui permettrait une adaptation aux circonstances changeantes dès lors qu’il ne s’agit pas de l’essentiel. C’est ce qui explique que les travaux savants des islamologues occidentaux eux-mêmes doivent soit être rédigés avec une certaine circonspection stylistique (Alfred-Louis de Prémarre), soit être publiés prudemment sous le voile de l’anonymat (Christoph Luxenberg).

Ces caractéristiques ne semblent pas des durcissements circonstanciels et récents de l’islam (il n’y a pas une seule institution qui ne connaisse la corruption), mais sont définitoires et essentielles pour l’immense majorité des musulmans qui connaissent La distinction entre islam et « islamisme » fondamentaliste est donc pour une bonne part une illusion, propagée par les milieux intellectuels, mais sans assise empirique convaincante.quelque chose à leur système doctrinal, tel du moins qu’il a atteint son élaboration de maturité, figée depuis un bon millénaire, en particulier depuis la disparition du moutazilisme. La distinction entre islam et « islamisme » fondamentaliste est donc pour une bonne part une illusion, propagée par les milieux intellectuels, mais sans assise empirique convaincante.
Il serait très abusif d’affirmer que ce tableau ne changera jamais, car nul ne connaît l’avenir. Mais cela suppose des réformes doctrinales de fond, d’une portée considérable, vivement souhaitables pour tous, musulmans et non-musulmans. Reste qu’on ne les voit absolument pas se profiler pour le moment. Et cela même pour des éléments sans implication théologique évidente, comme la polygamie (mais justement, l’islam n’est pas une religion pure et simple). Les non-musulmans sont fondés à interroger régulièrement les musulmans (compétents) pour leur demander quelle est leur position sur tel et tel point, en particulier sur ceux qui sont listés ici. Et il ne s’agit pas de se contenter de réponses ambiguës ou évasives. On notera qu’il ne s’agit en aucun cas de s’interroger sur des questions strictement théologiques ou touchant par exemple au caractère prophétique de la mission de Mahomet, etc., qui, en principe, ne devraient pas être des points litigieux pour un non-musulman. Chacun est libre de ses convictions, libre de les exprimer publiquement, et libre de chercher à convaincre autrui de leur validité, y compris par une activité missionnaire. C’est un point sur lequel la conception largement répandue suivant laquelle la religion doit être « confinée dans la sphère privée » (ce que j’ai appelé le Foyer) est radicalement erronée, car elle est, d’évidence, incompatible avec une société libre, comme il serait impensable de « confiner » strictement « dans la sphère privée » la manifestation pacifique de convictions athées, par exemple, y compris par voie d’affiche, par défilés avec banderoles, etc. Au contraire, pour poursuivre dans la géographie symbolique, il y a un lieu, disons le Speaker’s Corner de Hyde Park, où chacun a accès, les musulmans comme les autres. Ce n’est donc pas du tout là que gît le problème.

Revenons pour finir au cas exemplaire de la polygamie, qui illustre la nécessité de poser des questions et d’avoir des réponses sans faux-fuyants. Au Grand Sanhédrin mis en place par Napoléon en 1807, la question avait été posée de savoir si un juif pouvait avoir plusieurs femmes. Les membres du Sanhédrin, quoique choqués par cette demande, qu’il jugeaient peu courtoise, avaient répondu sans aucune ambiguïté la seule chose qu’ils pouvaient répondre, à savoir que la polygamie avait été abolie officiellement depuis un millénaire chez les Ashkénazes (elle avait disparu de fait, bien avant, au retour d’exil, étant par exemple inconnue à l’époque de Hillel l’Ancien ou de Jésus ; mais en milieu Séfarade, ultérieurement et sous l’influence de l’islam, elle pouvait être pratiquée). Chose que chacun pouvait d’ailleurs vérifier dans la pratique. La même question doit être posée avec insistance à l’islam, mais il est à craindre que la réponse soit toute différente. En tout cas la polygamie est incompatible, non pas seulement avec les « valeurs républicaines », mais avec les valeurs et les us et coutumes de la France et des autres nations occidentales, et cela depuis de nombreux siècles, bien avant que la très récente république apparaisse, et même avant que la France n’apparaisse. Il ne suffira pas de dire que, dans la pratique, le problème est artificiellement majoré, car très peu de musulmans sont polygames. En effet, d’une manière générale, les contraintes économiques font que, dans toutes les sociétés polygames (qui furent peut-être majoritaires, d’après les données ethnographiques, comme le furent les sociétés esclavagistes peu ou prou), seule une minorité restreinte a pu entretenir plusieurs femmes. Mais si Mahomet est en tous points « le beau modèle », comment renoncer explicitement et totalement à la polygamie, à moins de faire preuve d’un sens du développement historique qui semble fortement manquer actuellement ?


Source: www.expressionlibre.net

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