22 mai 2010

Le mouvement Ni Putes, Ni Soumises sert-il la cause des femmes ?

Par Mohsin Mouedden

Si son objectif de départ est légitime, le mouvement Ni Putes Ni Soumises commet une erreur en stigmatisant les musulmanes pratiquantes.

Le Mouvement Ni Putes, Ni soumises, lancé depuis une bonne année a fait le tour des médias, des réceptions politiques et des banlieues.

Ce mouvement féministe désire s’attaquer aux discriminations et violences réelles que vivent les femmes dans les banlieues, et en particulier celles vécues par les femmes musulmanes.
Rappelons les faits, le 4 octobre 2002, à Vitry sur Seine une jeune fille de 17 ans, Sohane Benziane est brûlée vive dans une cave à poubelles d’une HLM de banlieue où elle avait été emmenée de force et enfermée par des jeunes du quartier.
Cet acte ignoble et inhumain verse dans le crime sordide et non « le fait divers » comme le rapporte honteusement une certaine presse de l’époque.
A partir de cet instant, les féministes embourgeoisées, le monde politique lénifiant (sans véritable projet de société pour les banlieues) et médiatique, (toujours à la recherche du scoop de l’année), prenaient conscience des violences subies par des françaises d’en bas et de surcroît musulmane en pleine terre de France.
Quelques semaines plus tard, naissait le fameux mouvement, avec à sa tête la médiatique présidente Fadela Amara, Samira Bellil, auteur de l’Enfer des tournantes ainsi que la très appréciée et politiquement convoitée Loubna Meliane, porte parole du mouvement.
En un an, des centaines de débats, des conférences, des participations à des émissions télévisées, des Unes dans la presse et les médias, des rassemblements, des manifestations, ainsi qu’une grande campagne de sensibilisation…
Le Mouvement sert-il réellement la cause des femmes ? A-t-il comme ambition de donner les outils et les moyens nécessaires afin que les femmes des banlieues puissent être libres et émancipées ?
La réponse à ces questions est à mon sens positive ; l’objectif premier est de permettre à ces femmes d’être maîtresses de leurs corps, de leurs actes et de leurs vies, quoi de plus banal après tout… Cependant, là où ce mouvement dérive dangereusement c’est dans l’amalgame qu’il tend à produire implicitement en mettant en avant le fait religieux islamique comme étant la cause principale de la situation ségrégationniste et machiste vécues par les femmes.
Pour cette raison, ce mouvement légitime, malgré des visées de récupérations politiques clairement établies, lance un véritable débat de société entre l’islam et la laïcité… Cette entreprise de stigmatisation soutenue par le grand frère SOS Racisme contre les musulmanes pratiquantes désireuses de porter le foulard et les musulmans de cœur et de conviction deviendront le leitmotiv du mouvement.
Triste ? Pas tant que ça, puisque certain(e)s sont persuadé(e)s que le grand responsable de cette situation dramatique n’est autre que l’islam. Le coran, quant à lui, avilirait les femmes, les humilierait, les mettrait dans une situation d’infériorité… Bien évidemment, ce discours est toujours diffus, implicite de peur de provoquer une « bronca » généralisée dans les banlieues et les sphères religieuses.
On regrettera aussi les propos totalement immatures de Loubna Méliane à propos de son père, considéré comme « perdu » car ayant fait le pèlerinage à la Mecque et donc trop musulman à ses yeux ! On ne souhaite pas que Samira Belil, femme courageuse et peut-être la plus réaliste du mouvement, fasse des amalgames douteux entre les jeunes des banlieues et le monde glauque des marginaux malades et drogués…(victimes des réseaux mafieux…) ; ce ne serait à mon sens ni sain, ni honnête.
Le plus burlesque dans cette situation, c’est le désir de ce mouvement et des politiques de diviser les femmes des banlieues en deux catégories, deux couches de « défavorisées », les bonnes, désireuses d’être des Mariannes en puissance, et les mauvaises, forcément musulmanes pratiquantes et/ou voilées.
Il aurait été plus intelligent de combattre le sexisme et le machisme, les violences faites à toutes les femmes, pratiquantes ou pas, athées ou pas en pointant du doigt des conditions sociales déplorables voir explosives et responsables en premier lieu des violences contre les femmes et les défavorisés (les banlieues sont un monde de violence complexe abandonné de la classe politique depuis 30 ans…), les traditions archaïques anti-islamiques (obligation des mariages sans consentement de la femme, privations de tous ordres) et parfois, cela existe malheureusement aussi, raison pour laquelle nous devons le dénoncer avec force et vigueur, une manipulation des textes coraniques par une minorité de musulmans rétrogrades qui veulent cloîtrer la femme (la femme devient « l’honneur » de la famille, de la tribu) !
Il apparaît aussi que ce mouvement commet deux erreurs à mon sens, gravissimes : comparer tout le temps la situation en France avec celle des pays musulmans en invitant très souvent des féministes « ultras » venant du Maroc ou d’Algérie et condamnant sans nuance le voile et l’islam considérés de facto anti-républicains et anti-féministes. A croire que les musulmans français de la 1ère à la 4ème génération sont condamnés à se farcir des « illuminées » ou à se référer à leur pays d’origine à chaque fois qu’il y a des situations problématiques en soi, ou à rester un français de troisième catégorie.
Le deuxième paradoxe est le choix « manichéen » que nous donnerait ce mouvement.
Les femmes dans les banlieues seraient, soit des femmes soumises, portant le foulard, acceptant les recommandations des « mâles » musulmans et renvoyant ainsi à un certain fantasme orientaliste ; celui des femmes objets « harémisés » ou des P… forcément libertines, laïques et dévergondées… La réalité ne serait-elle pas dans le juste milieu ? A savoir ces centaines de milliers de femmes, françaises musulmanes, portant le voile ou pas, pratiquantes ou pas, qui dans les banlieues travaillent, étudient, s’émancipent de leur condition sociale et du joug d’une certaine tradition archaïque, tirant les musulmans vers le haut en ne rejetant ni l’islam, ni le coran ni les valeurs républicaines et occidentales. Nous assistons là, à une véritable révolution silencieuse des mentalités.
Pourtant, paradoxalement, ces femmes sont inexistantes sur la scène médiatique et politique. Doit-on considérer cela comme un oubli ou une volonté étatique de faire taire des voix discordantes n’allant pas dans le sens de ce mouvement ?
Ces femmes luttant pour plus de droits et de libertés tout en préservant leur islamité, intéressent-elles ce mouvement et le monde politique ? Poser la question, c’est déjà y répondre…

Mouedden Mohsin
Acteur associatif belge


Source: http://www.islamlaicite.org/article165.html

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