3 mars 2010

Reconsidérer l’environnement selon la dimension islamique

Par Hajer Bernaoui

« N’ont-ils donc jamais parcouru la terre afin d’avoir des coeurs pour comprendre ou des oreilles pour entendre ? Car ce qui devient réellement aveugle ce ne sont pas les yeux mais ce sont les cœurs qui sont dans les poitrines. »

Le Pèlerinage, V. 46, traduction du Dr. Salah ed-Dine Kechrid

Les questions liées à l’environnement sont devenues aujourd’hui une préoccupation majeure aux vues notamment des nombreux dérèglements observés et observables à l’œil nu. Force est alors de constater que la nature n’est plus simplement un réservoir dans lequel l’homme peut puiser indéfiniment. La perspective que nous optons de prendre est celle qui met en regard l’Islam à l’environnement qui est conçu comme un chapelet de signes sur lesquels nous pouvons méditer. Dieu, dans sa Grande Miséricorde, a d’ailleurs crée le monde de façon ordonnée et équilibrée « En vérité, dans la création des cieux et de la terre, et dans l’alternance de la nuit et du jour, il y a certes des signes pour les doués d’intelligence, » (La famille d’Imrane, S3 V190). D’après l’Islam, l’être humain peut tirer profit des richesses de cet univers à la condition sine qua none que cela se fasse en toute mesure et intelligence. Mais quelle est la position de la religion musulmane quant à la notion d’environnement ?

Le sujet est très vaste et nous choisissons de nous borner dans ce bref exposé à redéfinir le concept d’environnement puis à relever l’opposition nature-civilisation générant la situation de crise actuelle puis à relever des exemples concrets mais forts de l’ampleur du désastre. Enfin, nous tenons à proposer quelques petites astuces efficaces pour être à la hauteur de la responsabilité imposée par Dieu.

Pour bien cerner un concept il est bien venu de le redéfinir ; qu’entendons-nous donc par environnement ? Jamais un terme est aussi mal compris que lorsqu’il est utilisé presque mécaniquement et quel que soit le champ d’application. Selon les travaux du Docteur Mohammad Assayed Jamil, l’environnement se définit comme l’espace dans lequel évolue l’homme et où interagissent trois dimensions : l’écologie (l’homme est une espèce parmi d’autres), la socio-économie (l’organisation de la vie via ses traditions, ses lois…) et la culture (les systèmes de valeurs). Ces trois axes forment donc le concept en question et interfèrent les uns avec les autres. En outre, l’autre idée essentielle veut que la notion-clé d’environnement implique fondamentalement deux systèmes : le mode naturel (le sol, les eaux, la faune, la flore et l’interaction entre les différents éléments) et le mode civilisationnel (l’habitat, les rues, la technologie créée par l’homme). C’est dans ce rapport de force que les inquiétudes environnementales prennent forme.

Il est à noter que l’Islam ne dénigre en aucun cas les progrès techniques qu’a connu l’humanité ; bien au contraire, l’une des places les plus convoitées est manifestement celle des savants. L’Islam enjoint chaque fidèle à se diriger vers plus de science ainsi qu’à profiter pleinement des ressources de la terre qui sont placées au service de l’homme « Ne voyez-vous pas que Dieu a soumis à votre service ce qui est dans les cieux et en terre et vous a comblés de Ses bienfaits apparents et non apparents ? » (Lokman, S31 V20). Le progrès et les révolutions technologiques sont encouragés et parfaitement admis si cela se fait dans le cadre d’une utilisation fonctionnelle, responsable et consciente des conséquences sur l’environnement. La modération de rigueur envisagée par l’Islam contraste avec l’actuelle dépravation de la nature : l’homme outrepasse les limites et dérègle l’équilibre et l’ordre de la création.

L’environnement civilisationnel met à mal l’environnement naturel et, dans ce conflit, certains méfaits sont irrémédiables. Pour éveiller les consciences et démontrer l’urgence de la situation, il est utile de mettre en évidence certaines catastrophes. L’Islam nous sensibilise à l’équilibre de l’univers conçu comme un signe pour les gens doués de raison mais comment ne pas s’alarmer face à l’exploitation outrancière des ressources naturelles ! Nous savons pertinemment que les forêts sont les poumons de la Terre. Le charbon qui nous sert à nous réchauffer en est issu tout comme certaines huiles, médicaments et autres papiers. Les forêts préservent intactes la proportion des gaz accumulés dans l’atmosphère et participent à la formation des pluies. Or ce que nous savons moins bien c’est que l’homme rase ces forêts de la carte terrestre par but lucratif comme il est question en Colombie. De même, certaines espèces s’abritant dans ces mêmes forêts sont irrémédiablement décimées par l’homme. Continuons. Nous savons que l’eau, premier élément existant sur la terre et citée à plusieurs reprises dans le Coran, nous fournit en sel alimentaire ainsi qu’en sels minéraux ou encore en perles « C’est Lui qui soumet la mer afin que vous en mangiez une viande fraîche et que vous en sortiez une parure que vous portez […]» (Les Abeilles, S16 V14). Or ce que nous savons moins bien c’est que ces mêmes mers sublimées par le Livre Sacré se transforment progressivement en dépotoir au gré des diverses pollutions et autres marées noires. « La corruption est apparue sur terre et dans la mer pour ce que les gens ont acquis de leurs propres mains afin qu’Il leur fasse goûter une partie de ce qu’ils ont fait, peut-être reviendront-ils. » (Les Romains, S30 V41)

Si sensibiliser les esprits par les drames actuels qui se déroulent sous nos yeux est une forme de lutte évidente contre une léthargie terrifiante, l’autre aspect de cette lutte est de reconsidérer nos mauvaises habitudes quotidiennes. Dieu a fait de l’homme le lieutenant de la terre et cette responsabilité exige une vraie implication. Quelques réflexes simples peuvent nous aider à protéger la nature et tenir compte des injonctions divines.

* LES DÉCHETS : ne pas jeter les détritus par terre même lorsque nous les considérons comme minimes (mégots, capuchons de bouteille, bout de papier, chewing gum…)
* L’EAU : éviter autant que possible le gaspillage même voire surtout lors des ablutions selon le hadith de Prophète (PSL) « le Prophète (PSL) passa un jour près de Sa’d qui faisait ses ablutions, « Que signifie ce gaspillage, Sa’d ? » lui dit-il. « Peut-il y avoir du gaspillage dans les ablutions ? – Oui, répondit le Prophète, même si tu te trouves au bord d’un cours d’eau. » (rapporté par Ibn Mâja).
* RESPECTER LA FAUNE ET LA FLORE : ne pas faire souffrir les animaux et faire preuve de bonté envers eux ainsi que planter autant que faire se peut des arbres car « Si la fin du monde venait à survenir alors que l’un d’entre vous tenait dans sa main une plante, alors s’il peut la planter avant la fin du monde, qu’il le fasse ! » (Rapporté par Ahmad).

Nous souhaiterions conclure en rappelant que le souci écologique est un devoir du Musulman puisque le respect de l’environnement fait entièrement parti du devoir religieux. Le défi à relever est de trouver en nous assez de sagesse pour parvenir à un équilibre entre nos désirs et nos devoirs.

Le Prophète (PSL) a dit « Chaque musulman qui plante une plante [arbre ou autre], alors tout ce qui en sera mangé sera compté pour ce musulman comme acte de charité. Tout ce qui en sera volé sera compté pour lui comme acte de charité. Tout ce qu’un animal en mangera sera compté comme acte de charité. Tout ce qu’un animal en mangera sera compté comme acte de charité. » (Rapporté par Muslim).

Et si nous apprenions à avoir la main verte !

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